Re-flop

Furieux que, par on ne sait quel tour de passe-passe jacobin, les 5 000 gwenn-ha-du distribués par le conseil régional de Bretagne pour la finale de la coupe de France de football aient sombré dans une marée de drapeaux jaunes, les militants bretons comptaient sur l’Eurovision pour rendre gloire à la nation bretonne. 

Depuis le début de la guerre en Ukraine, une actualité semblait s’imposer en Bretagne : le choix d’un groupe breton pour représenter la France à l’Eurovision. Le groupe nommé Alvan & Ahez devait interpréter une chanson intitulée « Fulenn ». Le chanteur ne parlait pas breton mais, pour chanter, quelle importance ? L’essentiel est d’être fier d’être breton et surtout de porter les couleurs nationales (noir et blanc) et non le bleu-blanc-rouge de la France qui se moque d’ailleurs totalement de défendre sa langue. Le gwenn-ha-du allait régner.

Jadis, Dan ar Braz avait déjà été choisi pour l’Eurovision et avait entraîné la France à la queue du palmarès – défaite dont il avait néanmoins clamé être fier car il estimait avoir fait avancer la cause bretonne et vengé son peuple de son humiliation. Ce n’est assurément pas l’indigence des paroles de sa chanson qui lui a valu son échec puisque personne ne les comprenait.

Même chose pour les consternantes paroles de « Fulenn » qui évoquent, en breton surunifié, la femme qui danse avec le diable, vieux cliché machiste si caractéristique du fonds nationaliste breton, cliché lui-même verbeusement illustré par une floraison de clichés à visée poétique dans le genre néodruidique : la femme maudite est regardée avec convoitise par les bêtes sauvages de la forêt qui aimeraient bien se régaler de sa chair fraîche mais elle s’en moque car elle danse avec le diable. C’est d’ailleurs le refrain :

« Je danse avec le diable, et alors ? » 

« Elle danse avec le diable, et alors ? » 

Bref, elle danse avec le diable et, en fait, c’est très chic :

« Sa magie enchanteresse monte jusqu’aux grands arbres. » 

PROPAGANDE

Cette chanson d’une ringardise invraisemblable a été choisie pour représenter la chanson française à l’Eurovision. « Pour la première fois », m’a dit un ami, « j’ai eu honte d’être breton ». « Tu aurais pu aussi avoir honte d’être français », ai-je fait observer, « puisque toutes les chansons françaises ont été éliminées au profit de ce navet. » 

« Fulenn » a valu à la France une avant-dernière place au classement…

Mais tout ça n’entame en rien la fierté bretonne. Tout au contraire, c’est l’occasion de relancer le combat breton et la mobilisation derrière Christian Troadec, toujours en poste après sa condamnation en justice et sa soirée orgiaque qui avait provoqué un appel à démission de la part de plusieurs de ses collègues au conseil régional (appel à démission bien oublié depuis).  

Et il n’a pas honte d’associer combat breton et combat ukrainien…

Par les temps qui courent, ce ne sont pas les raisons qui manquent d’avoir le rouge au front.

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