Troadec, Diwan, le Breizh Park et le Motocultor

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Nouveau chapitre de notre petit feuilleton carhaisien : la chambre régionale des comptes, honnie par le maire de Carhaix comme émanation méphitique de Paris, ne s’est pas contentée de poser des questions sur le bar du camping ; elle s’est surtout interrogée sur son projet de Breizh Park. Ses interrogations portent sur le fait que la communauté de communes n’est pas concernée « alors que ses terrains seront mobilisés dans ce projet ». Cette anomalie est d’autant plus étrange, indique le rapport, que « le maire est également président de la communauté, situation qui devrait normalement faciliter les coopérations. »

À ces accusations Christian Troadec a, selon sa méthode habituelle, apporté une réponse foudroyante sur le mode festif. Pour répondre aux accusations concernant le bar du camping il avait organisé un « vin de l’honneur » avec « Bro goz ». Pour répondre aux accusations concernant son Breizh Park, il a choisi le hard rock. Mettant en pratique le principe de Sun Tsu, « attaque ton ennemi quand il ne s’y attend pas, apparais sur un terrain où tu n’es pas attendu », le maire de Carhaix s’est placé sur le terrain du Motocultor, terrain, de fait, totalement inattendu en matière de bretonnitude. 

Cette action surprise a eu pour mérite adventice de détourner l’attention du projet lui-même et de porter à son comble la confusion régnante. Les informations données par les médias étant incompréhensibles,  il nous faut revenir à l’origine de cette vaste entreprise. 

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Le château de Kerampuil (rebaptisé Kerampuilh par Troadec et son équipe) est un immense bâtiment du XVIIIIe siècle qui a été acheté par la ville de Carhaix en 1999 puis par la Région en 2010. 

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Cet achat était éminemment politique puisqu’il s’agissait de loger le futur lycée Diwan (le lycée Roparz Hemon dont les odieux jacobins allaient obtenir la débaptisation pour pouvoir continuer à le subventionner lâchement). Il s’agissait de  créer un « technopôle » voué au breton, dans le but notamment de contourner la loi Falloux. La même stratégie est déployée en ce moment par Diwan à Perros-Guirec. La loi Falloux interdisant de subventionner à plus de 10 % les établissements privés (donc Diwan), les militants créent des activités subventionnables, ainsi à Perros-Guirec des « hébergements saisonniers ».  Le tout s’inscrit dans une stratégie de combat contre ce que la très redoutable conseillère régionale Stéphanie Stoll (ex-présidente de Diwan) appelle « l’épouvantail de la loi Falloux » qui protège l’enseignement public (elle donne pour exemple le lycée Diwan de Vannes : 5 130 m2 pour 27 lycéens et 178 collégiens). Il s’agit bien de former la future élite de la nation (bretonne).

En 2020, via la SemBreizh (société d’économie mixte issue du CELIB qui mériterait à elle seule une longue étude), le conseil régional a procédé à des travaux de rénovation qui ont coûté 4,3 millions d’euros. Le château offre un espace de 870 m2. La presse régionale, dithyrambique comme de coutume,  nous explique que « le rez-de-chaussée et le premier étage sont occupés par l’Office public de la langue bretonne, par trois agents du conseil régional et par l’association Ailes, qui gère l’espace de coworking. » 

Deux étages pour les 26 employés de l’Office de la langue bretonne chargé de normaliser la langue et refaire le cadastre ?

Et Diwan ? 

L’école n’est pas là ? 

Lui aussi dithyrambique, le conseil régional annonce que, toujours via la SemBreizh, il consacre en outre 4,7 millions d’euros à transformer une bâtisse proche du château en un bâtiment hypermoderne de 2 200 m2 destiné à offrir un cadre digne d’eux à des lycéens dont le nombre est supposé s’accroître à grande vitesse. 

En réalité, malgré une propagande déversée à flots depuis un quart de siècle, le lycée compte 267 élèves et seuls 87 d’entre eux se présentent au baccalauréat. Cela fait 25 m2 par bachelier… au moment où les syndicats protestent contre la misère de l’Éducation nationale, le manque de professeurs et de locaux… et au moment où l’enseignement des langues est réduit à la portion congrue.

Lors de l’inauguration du château rénové à grands frais, l’autonomiste Paul Molac, président de l’Office de la langue bretonne, s’est exclamé, les larmes aux yeux : « La langue bretonne a un château pour elle. Les temps changent ». 

Les temps changent, c’est certain, mais les discours, eux, ne changent pas, et Paul Molac le tout premier a repris l’éternel refrain de l’éternel combat : où sont les moyens, comment défendre la langue bretonne quand les fonds nécessaires sont ladrement refusés ? Présentée comme minorisée, foulée aux pieds par un pouvoir obscurantiste, la langue bretonne continue d’être un faire-valoir victimaire destiné à faire passer un projet politique dont le maire de Carhaix est de longue date le thuriféraire.  

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Or, la suite des événements nous l’apprend : à peine la rénovation du château  terminée et célébrée dans l’euphorie de rigueur par les médias régionaux, voici que se fait jour un nouveau projet (en fait concocté de longue date) à savoir le Breizh Park.

Il apparaît que le château de Kerampuil et le bâtiment de Diwan n’étaient qu’une petite partie d’un projet pharaonique destiné à concurrencer les stades de France, de Berlin et de Marseille (je ne fais là que citer Christian Troadec). Il s’agit de créer sur 51 hectares une zone festive utilisable douze mois sur douze et permettant de capter toute l’année des « tournées mondiales » de vedettes planétaires dans le but de distraire les jeunes Bretons qui le méritent bien. Diwan, les Vieilles Charrues, l’Office de la langue bretonne, tout ça n’était qu’ingrédients du fabuleux projet de Breizh Park destiné à en faire les composantes d’une façade internationale de la bretonnitude.

Une gigantesque salle de spectacles au moment où l’artificialisation des sols fait l’objet de contestations virulentes ? 51 hectares quand cette mairie qui se targue de prétentions écologiques a déjà implanté sur la commune la monstrueuse usine Sinutra qui a ravagé toute une partie du territoire et permis aux Chinois de traiter les Bretons comme des pigeons  ?  Et le Breizh Park s’ajoutant au faux Stonehenge baptisé Stonebreizh ? 

Le président du conseil régional, Loïg Chesnais-Girard se précipite, en pleine campagne des régionales, pour venir annoncer à Carhaix que va être conclu un « pacte » entre la ville de Carhaix et les Vieilles Charrues en vue de faire advenir le Breizh Park sous l’égide de la Région. « Je ne suis qu’un facilitateur de projets », déclare-t-il, avec la gracieuse modestie du généreux donateur qui se promet de faire mieux encore s’il se peut. Les négociations se poursuivent sans qu’à aucun moment une seule personne semble intervenir en Bretagne pour s’opposer à ce nouveau gaspillage d’argent public.

Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises : après toutes ces négociations, ces annonces triomphales, ces proclamations enthousiastes, voilà que, cet été, le maire de Carhaix inaugure, après les Vieilles Charrues, un gigantesque festival de heavy metal, le Motocultor

Et il profite de l’inauguration du Motocultor pour annoncer qu’en fait, au mépris de la convention signée le 27 juin entre quatre partenaires (la ville, la Région, la SemBreiz et l’association Les Vieilles Charrues), il va créer une société publique locale afin d’éviter toute mise en concurrence pour la gestion de son Breizh Park. Le conseil régional, apprenant la nouvelle, a gardé le silence…

Et gardons présent à l’esprit que Christian Troadec fait partie de la commission « Autonomie » qui vient de rédiger le rapport officiel par lequel la Bretagne exige un statut d’autonomie.

Il s’agit de faire de la Bretagne une terre soumise au pouvoir local, tout contrôle étant jugé abusif puisque jacobin, pour régner par le populisme, la fête, l’enrôlement dans une croisade identitaire mobilisant les masses dans la foi en une Celtie régnant comme un dieu barbare sur des populations appelées à communier dans le culte des origines. Homo festivus, homo servilis

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