Le vin de l’honneur

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L’actualité nous offre régulièrement l’occasion d’ajouter un épisode à notre petit feuilleton dont Christian Troadec, le maire autonomiste de Carhaix, est la vedette. En vérité, ce feuilleton est d’abord intéressant parce que Troadec a fait de Carhaix une sorte de microcosme montrant ce que la Bretagne est vouée à devenir dans les années à venir, à moins qu’une résistance efficace ne commence à s’organiser. 

Voilà peu, le maire de Carhaix et vice-président du conseil régional en charge des langues de Bretagne s’était signalé par l’organisation d’une orgie en plein confinement (une plainte avait été déposée mais que devient la plainte d’AC anticorruption qui a eu tant de mal à trouver une simple salle dans la région de Carhaix ?). Il s’était également signalé par des injures publiques qui avaient été condamnées en justice (mais depuis la condamnation a été jugée prescrite par la Cour d’appel). 

Cette année, voici que la Chambre régionale des comptes remet un rapport pointant de telles irrégularités que le procureur de Brest a dû ouvrir une enquête préliminaire. 

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Quelques observations de la Chambre régionale des comptes :

« Pour deux particuliers souhaitant édifier une habitation, la commune a cédé des terrains à un prix inférieur de 14 % à celui de l’avis des domaines, d’une manière au demeurant irrégulière. Cette situation est d’autant plus critiquable que l’une des deux cessions concernait un membre de la famille du maire. »

 « Les conditions de mise en concurrence sont régulièrement insuffisantes en ce qui concerne la commande publique ». Trois dossiers n’ont pas fait l’objet de publicité obligatoire. D’autres dépenses ont été réalisées « sans aucune mise en concurrence »« Du fait des irrégularités relevées, la chambre observe que le maire (Christian Troadec, aussi vice président du conseil régional de Bretagne et président de Poher communauté) s’expose à un risque de poursuite pour délit d’octroi d’un avantage injustifié. »

La concession du bar du camping municipal de la Vallée de l’Hyères a été « attribuée irrégulièrement à un proche du maire ». « Il n’y a aucun retour officiel et détaillé de l’activité. La commune ne s’est pas aperçue que la gérante ne tenait aucune comptabilité. » Là encore, « le maire prend le risque que ces faits puissent recevoir la qualification pénale de délit d’octroi d’un avantage injustifié. »

Enfin, reste le projet de Breiz Park. 

La Chambre régionale des comptes trouve étrange que la communauté de communes ne soit pas concernée « alors que ses terrains seront mobilisés dans ce projet. Ce manque de vision d’ensemble est d’autant plus injustifié que le maire est également président de la communauté, situation qui devrait normalement faciliter les coopérations. »

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Considérant qu’il était, une fois de plus, traîné dans la boue par le pouvoir jacobin, alors qu’il défendait les vraies valeurs de la Bretagne, Christian Troadec a aussitôt organisé l’une de ces actions festives qui lui ont si bien réussi : la Chambre régionale des comptes lui reproche d’avoir concédé sans appel d’offre la concession du bar restaurant du camping de la Vallée d’Hyères à une copine, militante autonomiste et colistière de son parti, laquelle, ancienne institutrice, se serait dispensée, qui plus est, de tenir une comptabilité ? Il a organisé le 8 juillet un « vin de l’honneur » dans ce bar et a été suivi par une centaine d’affidés. 

L’honneur dans le vin, tout un programme…  

D’après son propre journal, Le Poher, le maire de Carhaix l’a proclamé haut et fort dans son style si particulier : « Nous n’allons pas nous laisser intimider par personne ». Et la gérante à son tour a clamé son désir de se battre : en effet, explique-t-elle, par le plus grand des hasards, voilà six ans, elle a lu une petite annonce qui lui a plu, elle y a répondu et elle a été embauchée. Quoi de plus normal ? Sa formation était bien suffisante puisqu’elle était née à Carhaix et savait faire des crêpes. 

Ce n’est un secret pour personne que Véronique Coquil était dès 2017 candidate sur la liste Oui la Bretagne de Troadec (score : 1, 21% des voix), qu’elle fait partie de l’équipe dirigeante de son parti Pour la Bretagne-Breizh War raok ! et qu’en 2021 elle se présentait encore aux départementales : la fidélité est une vertu bretonne qu’il faut savoir récompenser. 

En conclusion, le maire de Carhaix s’est livré à une violente charge… contre « Paris »  : « Mais qui sont ces hauts fonctionnaires parisiens qui viennent nous attaquer sur ce que nous sommes ? » 

Il est tout de même curieux qu’un vieux briscard de la politique régionale et vice-président du conseil régional n’ait toujours pas saisi que la Chambre régionale des comptes se trouve à Rennes.  Mais il s’agit, selon la vieille rhétorique nationaliste, d’opposer au « nous » opprimé des bons Bretons la force mauvaise de Paris. 

À l’en croire, ce ne sont pas des irrégularités qui sont signalées mais l’être même de Christian Troadec et de Véronique Coquil qui est attaqué, et en eux l’être breton qui les porte, ou plutôt, allons droit au but sans plus tergiverser,  la Bretagne : 

« La Bretagne est une nation. Elle doit être reconnue et respectée en tant que telle. Il est temps de nous organiser pour faire valoir nos droits Betek en trec’h ! (Jusqu’à la victoire !) »

Tout s’est terminé sur un martial « Bro goz ». 

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