De l’extrême gauche à la droite de l’extrême droite

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La presse annonce la disparition de Jean-Marie, dit Jañ-Maï, Salomon, un militant nationaliste breton de la première heure, terroriste emprisonné en 1977 dans le cadre des attentats du FLB, militant du parti indépendantiste Emgann qui fut considéré comme la vitrine de l’ARB, organisateur de la « Fête nationale du breton » (Gouel broadel ar brezhoneg), candidat aux cantonales et aux législatives sur un programme indépendantiste (et, en 2004, à la place du terroriste Gaël Roblin alors en prison) et, à partir de 2010, représentant le parti Breizhistance qui a remplacé Emgann. Voici l’article du journal Ouest-France :

« Jeudi 25 novembre 2021, une grande figure du milieu bretonnant s’est éteinte, à l’âge de 64 ans, à Cavan (Côtes-d’Armor). Jañ-Mai Salomon, défenseur de la langue bretonne et militant politique engagé, était né le 31 janvier 1957. 

Son parcours est tellement riche qu’il est difficile de le résumer, mais il est certainement un des fers de lance de la préservation de la culture bretonne et de la vivacité de la filière bilingue cavannaise. «C’est l’engagement de militants comme Jañ-Mai qui a permis à la langue bretonne de conserver sa place en Bretagne », commentent ses amis.

En effet, au cours de sa vie, ardent défenseur de la cause bretonne et fidèle à de nombreux engagements, il paiera plusieurs fois de sa personne pour son militantisme politique. Enseignant de primaire, en poste à Louargat puis à Kermoroc’h, il réalisa de très nombreux projets culturels en breton avec ses élèves. La filière bilingue de Cavan s‘ouvrit en 1987 avec une quinzaine d’élèves. C’est Jañ-Mai qui fut choisi pour ce nouveau poste, et il y resta jusqu’à sa retraite. Jañ-Mai Salomon était également un des organisateurs du Gouel Broadel ar Brezhoneg (fête nationale de la langue bretonne) Kenavo Jañ-Mai, ur vuhez, ur stourm !

Un hommage lui sera rendu samedi 4 décembre 2021, à 16 h, à la salle polyvalente, rue des Tilleuls, à Belle-Isle-en-Terre. »

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L’article d’Ouest-France est, somme toute, une introduction à l’hommage retranscrit par le site bretagne.info, émanation de Breizhistance : le parcours d’un militant indépendantiste y est évoqué avec tout le respect dû à un combattant dont les valeureuses convictions n’ont jamais changé. 

On nous expose que, combattant la France au nom de la langue bretonne opprimée, il a « permis à la langue bretonne de conserver sa place en Bretagne »tel a été son combat, telle a été sa victoire, c’est ce qui est donné pour vérité d’évangile. À cela près que, dans le même temps, la France haïe lui offrait un poste d’instituteur et le rémunérait pour enseigner jusqu’à la retraite sa langue opprimée.

On nous expose aussi qu’animé par la haine de la France au nom des valeurs de la gauche, l’héroïque Jañ-Maï  a combattu pour le socialisme, y compris quand le gouvernement français était socialiste car il incarnait, lui, les vraies valeurs du socialisme (orthographe respectée) :

« Comme tes camarades d’Emgann, tu participe aux mobilisations contre les licenciements et pour rappeler au Parti Socialiste ses responsabilités. La encore la poudre va parler : en juin 1985, Kristian Le Bihan, très jeune militant indépendantiste du Commando Révolutionnaire Autogestionnaire Breton, meurt en posant une bombe au palais de justice de Guingamp après avoir plastiqué l’ANPE et le domicile du député PS. Plusieurs années après pour les 20 ans de la mort de ce camarade tu visseras une plaque éphémère sur le palais de justice pour honorer sa mémoire. » 

Ainsi Jañ-Maï Salomon associe-t-il à son combat  Christian Le Bihan, un néo-nazi, membre du Devenir européen, dirigé par un ancien de la Division Charlemagne, un militant qui a eu à ses yeux le mérite de se faire sauter avec sa bombe. L’itinéraire de Le Bihan est rappelé très clairement dans Le Monde comme si paru en 2002  (p. 325-331). Il y est notamment constaté que  « les liens de Christian Le Bihan avec les réseaux néo-nazis et le fait qu’il ait assisté à un rassemblement international peu avant l’attentat n’ont d’ailleurs rien d’étonnant si l’on considère l’origine du FLB » (p. 330) 

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Le fait que ce terroriste néo-nazi ait voulu faire sauter la maison du député PS n’a rien de surprenant. En revanche, que des militants qui se disent socialistes louent cet acte méritoire et aillent jusqu’à le célébrer témoigne de la confusion idéologique des nationalistes bretons – c’est justement ce que démontrait Le Monde comme si. 

Plus grave encore, alors que les faits sont établis depuis vingt ans, que l’hommage à un néo-nazi tué en posant une bombe soit porté à la gloire d’un militant d’extrême gauche montre que le mouvement nationaliste breton vit de son aveuglement – un aveuglement sélectif, résolu : même catéchisme, même récitatif d’ayatollah. 

Cet événement amène à se poser enfin les vraies questions : c’est bien un instituteur public, ayant donc normalement un devoir de réserve, qui s’est livré à cette scandaleuse cérémonie d’hommage à un terroriste néo-nazi mort en commettant un attentat contre le palais de Justice de Guingamp. Bel exemple à donner aux enfants qu’il avait la charge d’instruire, bel encouragement à la Justice de sévir équitablement… Quelle sanction ? Aucune. 

Nulle sanction non plus contre Pierre Denis (Per Denez) qui, en tant que directeur du département de Celtique de l’université de Rennes, désignait Christian Le Bihan comme le Breton le plus méritant des trente dernières années : c’est rappelé dans Le Monde comme si (p. 326). La réédition des textes antisémites de Drezen, pas plus que l’hommage rendu à un terroriste néo-nazi mort en posant une bombe, n’a empêché Le Drian, Edmond Hervé et autres socialistes de rendre hommage à ce grand homme enterré dans son gwenn-ha-du. De l’extrême gauche à la droite de l’extrême droite, le socialisme a bon dos, et l’État français continue de rémunérer ceux qui appellent à sa disparition

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