Affaire Christian Troadec : qui va payer les frais de procès ?

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Sommé de rendre compte des sommes dépensées pour ce que l’on a appelé l’« orgie » du 10 décembre, Christian Troadec a refusé de répondre aux lettres ouvertes des élus qui lui demandaient des comptes. 

Mettant en application sa pratique si particulière de la démocratie locale, il s’est servi du conseil communautaire réuni le 20 janvier (le conseil rassemble normalement tous les élus des municipalités de la communauté de communes dite Poher communauté) pour donner sa version des faits : selon lui, alors que le protocole sanitaire interdisait de rester consommer sur place et que les cent quarante invités aux agapes s’en étaient repartis avec leur plateau-repas, « par un malheureux concours de circonstances, une table avait été précédemment dressée » on ne sait ni pourquoi ni comment et, n’écoutant que son bon cœur, le maire a invité à rester festoyer une petite quinzaine de personnes qui, par le plus grand des hasards, se trouvaient là. Cette table, malencontreusement apportée sous les halles de la ville, n’aurait pas dû se trouver là, et faisant preuve d’une émouvante contrition, « le Président le regrette et s’en excuse, ce n’était pas le bon endroit ». Mais il précise que cette petite bamboche qui a duré jusqu’à l’aube était tout de même « dans le cadre légal puisque non dansant ». Peut-on d’ailleurs danser après avoir absorbé « du blanc, du rouge, du champagne » coulant à flots ?

Il en a également profité pour présenter ses comptes (au total, la soirée arrosée n’aurait coûté que la modique somme de 6 349 €. 

Enfin, voici la conclusion du compte rendu de cette réunion tel que le cite le journal Le Télégramme sous la plume d’Anthony Rio qui s’est procuré ce compte rendu : 

« Poher communauté constate que son Président a été pris à partie dans des conditions intolérables à raison de (sic) son mandat et de ses fonctions. Il lui est demandé d’apporter son soutien et d’agréer la prise en charge (sic) des frais rendus nécessaires pour la défense de son Président. » 

Il s’agit donc bien d’une demande du maire agissant en tant que président de la communauté de communes pour faire prendre en charge ses frais de justice. Ce texte a été immédiatement voté à l’unanimité par les élus (six présents, deux par procuration). 

Petit problème : le bureau compte dix-sept élus. Au nombre des absents, l’un explique qu’une fois de plus, il a été prévenu trop tard : « Ça fait longtemps qu’on demande d’être prévenus plus en avance. » Et il précise que « ce point n’apparaissait pas à l’ordre du jour ». Un autre s’indigne : « Que la communauté prenne en charge les erreurs de son président, c’est honteux ». 

Face à l’indignation soulevée par ce nouvel épisode, Christian Troadec a adressé à la presse le 30 janvier un communiqué assurant qu’il ne comptait pas du tout « faire appel aux contribuables pour payer ses frais de défense» mais juste « solliciter l’assurance juridique » dont il bénéficie en tant qu’élu. S’il en bénéficie, en tant que maire de Carhaix, quel besoin avait-il donc de demander le soutien de la communauté de commune ? 

Cet épisode a le mérite de mettre en lumière les méthodes du maire, président de la communauté de communes et vice-président du conseil régional en charge des Bretons du monde. 

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Post-scriptum :

Le 2 février, le bureau de la communauté de communes s’est à nouveau réuni, cette fois en présence des élus qui n’avaient pas pu assister à la réunion au cours de laquelle avait été votée la prise en charge des frais de justice du président et maire de Carhaix. Ce dernier constate que, comme le point 16 concernant ces frais de justice avait été illégalement ajouté, n’ayant pas « été soumis au contrôle de la légalité », il est « nul et non avenu » et a donc pu être retiré sans le moindre problème et sans le moindre vote. 

Tout ça s’est passé dans la sérénité : les élus qui n’avaient pas été prévenus à temps le 20 janvier ont accepté de participer à une réunion au cours de laquelle un vote sur un point non porté à l’ordre du jour a été annulé sans vote ; ceux qui avaient voté vont pouvoir continuer de soutenir le président et les autres vont pouvoir continuer de demander à être prévenus à temps. Nulle protestation contre les pratiques du président, nulle condamnation de la « soirée arrosée » du 10 décembre. L’ « orgie » dénoncée par Pierre-Yves Thomas s’est changée dans les médias bretons en « soirée polémique », comme s’il y avait débat entre les pour et les contre, les partisans de la bamboche sur fonds publics et les autres, ceux qui ont osé protester, rompant l’omerta. Les gêneurs. 

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