Le rôle de la presse régionale dans la création d’une « identité bretonne »

 

« Cette Bretagne a du souffle ! »[1], « Les Bretons veulent une région plus forte »[2], « Nuit celtique. Les Celtes se remettent en marche »[3], « Rattachement à la Bretagne : un oui massif »[4]. Tous ces titres sont évocateurs et frappent le lecteur par des images fortes, ce sont des représentations. Or en géopolitique, nous accordons une grande importance aux représentations et donc aux médias qui les diffusent. Elles  participent pleinement à la création (ou recréation) des identités régionales qui occupe, depuis quelques années, une place de plus en plus importante tant dans le champ des sciences sociales que dans les arènes politiques et les médias. De nombreux colloques et séminaires[5] se mobilisent sur la thématique de « l’identité régionale » pour essayer de définir en quoi consiste, précisément, cette « identité », et de comprendre sa soudaine apparition et l’engouement qu’elle suscite.

Le cas de la Bretagne en est un bon exemple, notamment à cause de sa forte médiatisation. On assiste, depuis la fin des années 1960, à de nombreuses revendications identitaires, autonomistes, voire même indépendantistes. Ces revendications et la création de ce qu’Anne-Marie Thiesse appelle un « kit identitaire »[6] (drapeau, langue, hymne, folklore, héros nationaux…) entraînent tout un questionnement : Comment les médias bretons s’impliquent-ils dans ces revendications ? Quelles sont les représentations qu’ils diffusent sur « l’identité bretonne » ? Quel est l’impact de la diffusion de ces représentations sur la population bretonne ? Quelle est la part d’objectivité ? Est-il possible de faire entendre une opinion différente ? Quels sont les enjeux politiques, économiques et culturels dans la diffusion de ces représentations par les médias bretons?

La notion « d’identité bretonne » sera toujours abordée dans ce mémoire avec des guillemets car celle-ci est sujette à nombreuses controverses malgré la thèse du sociologue Ronan Le Coadic intitulée L’identité bretonne [7]. En conclusion de sa thèse, celui-ci reconnaît d’ailleurs lui-même : « On peut éprouver quelque désappointement à la lecture de ce livre. En premier lieu, parce qu’il n’apporte pas de réponse tranchée à la question naïve de savoir en quoi consiste concrètement l’identité bretonne. ». Selon lui, cette « identité bretonne » se définit principalement par la langue : « Cette langue et les autres signes extérieurs de bretonnité servent de repère dans un monde changeant et fonctionnent comme des emblèmes qui permettent d’être reconnu, ce qui est réconfortant. Par conséquent, à l’instar de bien d’autres peuples, les Bretons recomposent leur identité, en éliminant certains éléments, en en conservant d’autres, et en les adaptant au temps présent. Ce faisant, ils produisent leur culture plus qu’ils ne la reproduisent. ».

Le but de ce mémoire ne consiste donc pas à définir ce qu’est « l’identité bretonne », mais à voir comment la presse quotidienne bretonne la fabrique, comment elle exploite le « kit identitaire » breton et à quelles fins.

On pourra lire ce mémoire en PDF

[1] Hors-série de dimanche Ouest-France publié le 4 mars 2003 à l’occasion de la Nuit celtique au stade de France du 15 mars 2003.

[2] Dossier du Télégramme du dimanche du 17 septembre 2000.

[3] Le Télégramme du 27 février 2003.

[4] Dimanche Ouest-France du 7 mars 1999.

[5] Exemple : colloque du 19 au 21 septembre 2002 à Rennes à l’initiative de l’association identités & démocratie  débats internationaux (ID-DI) : « Identités régionales, développement, mondialisation et démocratie : des rencontres internationales pour décrypter le monde contemporain », ou encore séminaire du 20 au 22 mars 2003 à l’école d’Architecture de Paris-la-Villette : « Les identités construisent les territoires ou les territoires construisent les identités ? ».

[6] Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales, Seuil, 1999, p.14.

[7] Ronan Le Coadic, L’identité bretonne, Presses Universitaires de Rennes / Terre de Brume, 1998.