Yves Le Moal, de son nom de druide Dir-na-Dor (Acier-qui-ne-rompt-pas), est un militant nationaliste breton, auteur d’un recueil de contes plus ou moins folkloriques intitulé Pipi gonto.
Né à Coadout, il emploie un dialecte trégorrois qui a fait le (relatif) succès de ce recueil paru en deux volumes, en 1902, puis en 1908, avant d’être édité en un seul volume en 1925.
Dès 1901, il apporte son soutien actif au militant nationaliste François Vallée qui publie la revue Kroaz ar Vretoned (La Croix des Bretons). Connu pour ses opinions séparatistes et son militantisme néoceltique, Vallée est blâmé par l’évêque de Saint-Brieuc et mis sur la touche. Il continue d’œuvrer dans l’ombre, cependant qu’Yves Le Moal et le barde Auguste Bocher (qui devait être exécuté par la Résistance) assurent pour lui la direction de la revue jusqu’en 1913.
La ligne idéologique est celle de Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne) : catholicisme et nationalisme breton, haine de la Révolution française et amour fanatique de la langue bretonne, le tout visant à faire advenir une nation bretonne « chrétienne et celtique ».
Pour toucher les enfants, Yves Le Moal fonde Arvorig en 1913 comme supplément de Kroaz ar Vretoned. Il est assisté par Francis Even, druide Karevro (« Aimesonpays »), militant nationaliste de la première heure, futur soutien de Breiz Atao jusque dans sa période nationale-socialiste, et collaborateur de l’Institut celtique et du Comité consultatif de Bretagne sous l’Occupation (ses activités lui vaudront d’être condamné à l’indignité nationale à la Libération). En 1919, Arvorig devient le supplément de Feiz ha Breiz de l’abbé Perrot (exécuté par la Résistance en décembre 1943).
Kroaz ar Vretoned disparaît en 1920. Le 2 février 1941, Roparz Hemon en fait l’éloge dans Arvor : « Ce n’était pas un chef d’œuvre du journalisme. Elle n’avait pas la mise en page de La Gerbe et ne savait pas présenter ses articles comme Paris-Soir. Mais pour nous, pour la langue bretonne, ses collections ont une valeur inestimable. » La Gerbe et Paris-Soir donnés pour référence étaient alors au service de la propagande nazie.
En 1907, Yves Le Moal fonde avec deux autres militants catholiques et bretons l’association Breuriez ar brezoneg (Confrérie du breton) qui a pour but, grâce au breton, de faire découvrir une certaine version de l’histoire de Bretagne et de la culture bretonne.
En 1925, il devient président du Bleun Brug de l’abbé Perrot, puis il en démissionne car le nouveau secrétaire général entend faire un journal en français pour toucher plus de lecteurs. Bien décidé à militer coûte que coûte pour la défense de la foi en breton, il lance la revue Breiz en 1927 et la dirige jusqu’en 1939.
On s’efforce actuellement de le faire passer pour un grand résistant (voir l’article Wikipedia Erwan ar Moal (sic), en occultant son idéologie et son prosélytisme catholique et nationaliste breton.
Pourquoi s’intéresser à cet auteur ? C’est qu’il offre un bon exemple de la réécriture de l’histoire consistant à enrôler les militants nationalistes les plus réactionnaires dans une grande croisade bretonne placée sous l’étendard de la Résistance : ainsi d’authentiques nazis comme Le Helloco sont-ils donnés pour résistants par l’historien autonomiste J.-J. Monnier cautionné par Mona Ozouf.
Yves Le Moal, catholique et breton toujours, se trouve, parmi tant d’autres, rallier la cause d’une Résistance dont les valeurs lui étaient radicalement étrangères : défense de la France, défense des valeurs républicaines, voire de l’odieuse laïcité…
Au lieu de montrer comment la foi et la Bretagne conçue comme nation celtique à faire advenir ont eu partie liée pour inciter les Bretons à se dégager de cette gangue idéologique qui faisait du breton un instrument de régression et d’oppression, les militants actuels (y compris les autonomistes de l’UDB qui se disent de gauche) poursuivent le combat sur les mêmes bases. Le druide Dir-na-dor est, de fait, d’un acier qui ne risque pas de rompre : à lui les valeurs éternelles de la Celtie et de la Foi. Elles ont fait leurs preuves.