Lame de fond ?

Vieille méthode des autonomistes : organiser des sondages permettant de publier des scores faramineux en faveur de leurs vœux, pourtant démentis par les électeurs. 

Cette fois-ci, les autonomistes de la Fédération Régions et Peuples solidaires ont organisé « une enquête d’ampleur nationale »,  pour montrer que les Français veulent que les peuples qu’ils oppriment soient enfin libres : fabuleux résultat, repris par le journal Libération avec le plus grand sérieux, 71 % des Français veulent une France fédérale… 73 % veulent que les régions puissent adapter les lois nationales aux réalités locales… 77 % veulent une reconnaissance officielle des langues régionales (déjà copieusement subventionnées) et, plus extraordinaire encore, 64 % sont pour  la coofficialité des langues régionales et du français…

Ont-ils vraiment compris de quoi il s’agit ? À savoir par exemple que tous les textes officiels devraient être traduits dans des langues dont la population n’a plus l’usage ? Le sondage l’indique, seuls 9% des Bretons disent comprendre leur langue (quelle langue ? Le breton ? Le gallo ? Vu que les locuteurs ont plus de soixante-dix ans, on est en droit de trouver comiques les conclusions de l’enquête qui soulignent « l’urgence d’un effort de transmission »). Mais passons…. Présenté avec toute l’euphorie de rigueur, le sondage indique que 57 % des Bretons demandent l’enseignement obligatoire des langues régionales (le jour où les écoliers seront obligés de subir des heures d’enseignement de breton et de gallo, la bronca risque d’être sévère). 

La Fédération Régions et Peuples solidaires rassemble les nationalistes d’Alsace (Unser Land), de Bretagne (UDB), de Catalogne (trois partis), de Corse (deux partis), de Moselle, Le Partit occitan, le Parti national basque, etc. Il est dirigé par le très redoutable nationaliste corse François Alfonsi, qui fut également président de l’Alliance libre européenne (ALE), laquelle fédère les autonomistes de l’Europe entière.  Le but de l’ALE comme celle de Régions et Peuples solidaires est de faire éclater les États nations, et en premier lieu la France, pour faire advenir une Europe des ethnies : dans quel but, ce nouveau tribalisme ? Permettre à chacun de cultiver ses racines comme on cultive son petit plant de chanvre indien et permettre aux patrons locaux de s’activer à leur aise une fois libérés des lourdes lois communes. 

Rien n’illustre mieux ce projet que le site de l’ALE qui, tout en défendant les langues minorisées, n’existe qu’en anglais et son logo qui figure une Europe à l’envers. Si l’ALE n’existait pas, il faudrait l’inventer pour servir les intérêts des USA. 

Le titre de Libération ne le dit que trop bien : 

« 71 % DES FRANÇAIS SE DISENT EN FAVEUR D’UN RÉGIME FÉDÉRAL : C’EST UNE DÉFIANCE VIS-À-VIS DE L’ÉTAT »

Une « enquête d’ampleur nationale » mais principalement menée dans « sept  échantillons territoriaux spécifiques en Alsace-Moselle (500), en Bretagne historique (500), en Pays de Savoie (500), en Corse (504), en Pays Basquenord (534) et en Catalogne (500) et en espace occitan (518) » est-elle fiable ? Est-ce une manipulation de l’opinion ? 

La question n’est pas la stratégie des nationalistes, menée à grands frais, mais le fait que leur propagande soit prise au sérieux et véhiculée par la presse nationale qui devrait être la première à défendre le bien commun. 

Belle occasion de se souvenir d’une phrase de Pierre Bourdieu :

«  Une des propriétés des sondages consiste à poser aux gens des problèmes qu’ils ne se posent pas, à faire glisser des réponses à des problèmes qu’ils n’ont pas posés, donc à imposer des réponses[1]. » 

Et, en l’occurrence, à faire passer pour une « lame de fond » le supposé désir des Français pour une France fédérale dont ils ne savent rien. 

Ph. Ch. et F. M.


[1] Extrait d’un cours au collège de France en 1990, Le Monde diplomatique, janvier 2012. 

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