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Pourquoi consacrer une étude historique à un obscur joueur de biniou engagé sous l’Occupation dans la collaboration avec les nazis ?
Au contraire des tortionnaires qu’il fréquentait, il n’a fait qu’incarner à sa modeste place la dérive du mouvement nationaliste breton vers le nazisme, jugeant que les Allemands qui subventionnaient les mouvements séparatistes offraient une opportunité pour la culture bretonne.
Il a, quant à lui, fait de la musique le support des idées politiques du PNB (Parti national breton) puis, après-guerre, a continué le combat…
Son itinéraire est bien connu et peut être résumé en quelques dates.
C’est dans la mesure où il a mis la musique populaire bretonne au service d’une idéologie qui lui était étrangère que son cas mérite intérêt.
C’est aussi dans la mesure où, sans renier ses engagements, il a poursuivi son travail de propagande musicale et politique que nous devons nous interroger sur cette œuvre qualifiée de pionnière par les partisans d’une Europe des régions destinée à faire éclater les États-nations garants des lois sociales.
C’est enfin dans la mesure où, désormais, des hommages lui sont rendus sur fonds publics qu’il nous semble devoir rappeler des faits occultés.
En 1988, Paul Monjarret a été décoré du collier de l’Hermine remis par l’Institut culturel de Bretagne dont les dérives sont bien connues ; en 2004, une place Monjarret a été inaugurée par la municipalité socialiste de Lorient ; en 2008, la statue de Monjarret a été installée sur cette place par la même municipalité, en présence de son ancien maire, Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional ; en 2010, la ville de Quimper lui a rendu hommage ; en 2011, le nom de Monjarret a été proposé pour le collège de Plescop ; en 2013, c’est la municipalité socialiste de Guingamp (où il exerçait ses activités sous l’Occupation) qui a proposé de donner son nom à une rue.
Des historiens autonomistes, Kristian Hamon notamment, se sont chargé de le blanchir afin de légitimer ces hommages.
Cependant, nul ne peut nier que l’innocent joueur de biniou supposé défendre la musique populaire recrutait des lecteurs pour L’Heure bretonne pronazie en 1943 ; que le fondateur de BAS (Bodadeg ar Sonerion, l’Assemblée des sonneurs), qui compte actuellement six mille musiciens, dirigeait les groupes de combat (Bagadou puis Strolladou Stourm) du PNB nazi sous l’Occupation ; que c’est le même qui allait, après-guerre, développer l’invention du « bagad », qui semble à présent l’expression native de l’âme celtique des Bretons. Cette invention est au cœur du festival interceltique de Lorient, l’un des plus importants festivals de France, dont il fut l’initiateur.
Il est donc essentiel d’éclairer les questions que pose son itinéraire — un itinéraire qu’il n’a jamais renié.
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De nombreuses associations ont protesté contre l’attribution du nom de Polig Monjarret au collège de Plescop. Elles ont rédigé un communiqué de presse en janvier 2012.
COMMUNIQUÉ
« Plusieurs associations (Amicale laïque de Cleunay, Association des Déportés et Internés Résistants et Patriotes 35, Association nationale des anciens Combattants de la Résistance 22-35, Association républicaine des anciens Combattants et Victimes de Guerre 29, Délégués départementaux de l’Éducation nationale 22-29-35, Ligue des Droits de l’Homme section de Rennes, Libre Pensée 22-29-35-56, Mouvement de la paix 56) ayant émis une protestation contre l’attribution du nom de Paul, dit Polig, Monjarret au collège de Plescop qui doit ouvrir en 2012, une délégation a été reçue au Conseil général du Morbihan le 9 janvier 2012 en vue d’évoquer ce problème.
Il résulte de cette entrevue que la municipalité de Plescop n’est en rien fondée à faire état de l’appui du Conseil général pour le choix de ce nom. Lorsque le collège sera ouvert, son conseil d’administration et la municipalité seront à même, selon la procédure légale, de soumettre des propositions qui seront examinées dans le respect de l’intérêt général et des valeurs républicaines justifiant le nom donné à un établissement public d’éducation.
Une brochure établissant les responsabilités de Paul Monjarret sous l’Occupation et rappelant les prises de position de celui qui, en 1950 encore, assurait qu’ »un enfant né de parents étrangers, même né en Bretagne, ne peut être considéré comme breton de naissance” et qu’il existe une race bretonne à libérer, est actuellement disponible ».
Le texte intégral de cette brochure intitulée Ethnorégionalisme et réécriture de l’histoire (le cas Monjarret) est ici disponible en PDF.
Grâce aux informations données, il a été possible d’amener des élus, abusés par la propagande autonomiste, à renoncer à donner le nom de Monjarret à un collège et à un nom de rue.
Voir ici l’instructive affaire du collège de Plescop.
Nous avons eu le plaisir d’apprendre par la suite que le collège avait pris le nom d’Anne Frank.
Et la non moins instructive affaire de la rue de Guingamp.
Nous suggérons à la municipalité de Guingamp de choisir le nom de Joseph Monjaret, radio de Jean Moulin, décédé à Guingamp en 1995.
Les recherches historiques ayant progressé depuis, on pourra lire également un article de synthèse au sujet de la prétendue « déportation » de Monjarret.
Et l’on pourra constater que, ces efforts d’information n’ayant servi à rien, Monjarret peut être reblanchi en toute impunité.
En 2021, la mairie de Pommerit-le-Vicomte, entendant donner à l’une de ses rues le nom de Monjarret, plusieurs associations dont la LP de tous les départements bretons se sont mobilisées pour protester. La maire, alertée, a refusé toute entrevue à ce sujet, puis la municipalité a fini (après plusieurs mois de protestations) par renoncer à son projet.
On trouver ici une brève synthèse de son itinéraire…
Et un article de mise au point.
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© Françoise Morvan