En 1919, un groupuscule de jeunes maurrassiens fonde le journal Breiz Atao sur la base d’une défense de la race bretonne, supposée celte, contre la France républicaine impure car métissée. Son fondateur, Maurice, dit Morvan, Marchal est rejoint par Olivier Mordrelle (dit Olier Mordrel), François Debauvais, Jeanne Malivel, Yves Le Drezen, dit Youenn Drezen, François Éliès et Jean, dit Yann, Sohier.
En 1921, Breiz Atao a 250 abonnés, dont 200 qui ne sont pas à jour de leur abonnement, et le groupe est en plein marasme.
Mais, à partir de 1925, au moment où, sous l’influence des réseaux pangermanistes, l’accent est mis sur l’élaboration dans le cadre d’une Europe nordique d’une littérature et d’un art bretons, l’argent afflue : Breiz Atao se dote d’un supplément littéraire confié à Louis Némo, dit Roparz Hemon. Hemon et Mordrel, alors tous deux étudiants, décident de le baptiser Gwalarn.
Deux ans après, Breiz Atao se dote d’un supplément artistique confié à un autre adhérent de la première heure, René-Yves Creston. Ce supplément s’intitule Kornog. Creston a fondé en 1923 une confrérie d’artistes baptisée les Seiz Breur (« Sept Frères ») visant à créer un art national breton.
Le projet est foncièrement raciste : pour adhérer aux Seiz Breur, il faut être de sang breton (article 1 : Être né en Bretagne ou à l’étranger de parents bretons). Bon nombre de collaborateurs de Breiz Atao comme Marchal, Drezen, Éliès, Langlais font partie des Seiz Breur dont l’association et la revue ne sont, de fait, qu’une expansion de Breiz Atao. Tous s’engageront dans la collaboration avec les nazis, certains, dont Morvan Marchal lui-même et l’architecte James Bouillé, faisant partie des agents de la Gestapo.
Le projet est aussi foncièrement réactionnaire :
« Loin de nous, artistes bretons, les écoles et les chapelles où les artistes se perdent : cubisme, dadaïsme, futurisme, surréalisme, pompiérisme… Nous avons à recréer notre Art National. »
Les productions des Seiz Breur relèvent de ce qu’on appellerait un design — un design ethniste basé sur des stéréotypes définis comme celtes.
En septembre 2000, la mairie socialiste de Rennes a rendu hommage aux Seiz Breur : une exposition accompagnée d’un luxueux catalogue leur a été consacrée au Musée de Bretagne.
Constatant que l’itinéraire des membres des Seiz Breur était occulté et que leur idéologie était non seulement louée mais présentée comme expression de la modernité en Bretagne, la section de Rennes de la Ligue des Droits de l’Homme a émis à cette occasion une protestation et l’on pourra se référer à son dossier Réécriture de l’histoire en Bretagne.
Ont aussi été publiés deux articles :
— l’un de Jean-Marc Huitorel, sous le titre « Un point de vue ethniciste »,
— l’autre de Françoise Morvan, sous le titre « Les Seiz Breur, art national breton et art totalitaire ».
Au sujet de l’itinéraire de René-Yves Creston, fondateur des Seiz Breur et authentique collaborateur des nazis souvent présenté comme un homme de gauche et un résistant, voir aussi sur ce site « La Résistance bafouée ».