Le texte de Jacques Rolland opposant bretonnitude et développement scientifique de la Bretagne est remarquable et courageux — et, surtout, il témoigne d’une vigilance si rare par les temps qui courent ! Cependant, comme un article ne peut parler de tout, il me semble qu’il n’explique suffisamment la raison de la dérive identitaire que je dénonçais dans Le Monde comme si. Puisqu’il m’invite à le compléter, je précise qu’il serait important, selon moi, d’informer le lecteur sur le fait que cette labellisation s’inscrit dans un projet politique induit et accompagné par l’Institut de prospective de Locarn.
Faire de la Bretagne une ethnorégion et pour cela casser l’Etat nation, c’est le projet mis en place depuis l’origine par Locarn en relation avec des lobbies ethnistes et affairistes européens. Or, comme l’a indiqué son fondateur, la date phare de l’histoire de l’Institut, après celle de l’inauguration en présence d’Otto de Habsbourg, avec messe célébrée par dom Le Gall, et triple drapeau breton, c’est le jour où, en tant que président socialiste du conseil régional, Jean-Yves Le Drian est allé y présenter son programme.
Depuis, les choses avancent, et très rapidement, selon des modalités qui ont été prévues et exposées de longue date… Le label Produit en Bretagne créé par l’Institut de Locarn, ne suffit pas : la marque Bretagne fabriquée à partir du drapeau national inventé par un druide nationaliste qui allait, comme tous ses comparses, collaborer avec les nazis, est une manière plus sinistre encore d’enfermer la Bretagne dans les plis d’un drapeau hérité de Breiz Atao, groupuscule autonomiste honni des Bretons. Le choix de ce drapeau pour label est un choix politique.
Labellisation et ethnicisation de la Bretagne pour en faire une entité distincte de la France, c’est une part du programme (et l’on ne peut que renvoyer à l’université d’été de Locarn où Le vice-président du conseil régional, Jean-Michel Le Boulanger, figurait l’an passé : le modèle donné à présent, c’est la Flandre — les Flamands oeuvrant à un éclatement de la Belgique qui correspond tout à fait au but poursuivi en Bretagne).
Rares sont les informations qui viennent rompre le consensus identitaire de plus en plus oppressant. Il est d’autant plus important d’apporter quelque lumière à ce sujet, au risque de déclencher les clameurs militantes — j’en sais quelque chose car, des mois et des mois après avoir publié (à la demande de personnes trouvant insupportable la propagande pour l’opération de communication ethnicocommerciale baptisée Breizh Touch) un simple article dans la rubrique « Rebond » de Libération, j’ai vu se déverser sur Internet des appels à la haine dignes de ce que l’extrême droite produisait de pire dans les années 30. On les y trouve d’ailleurs encore.
Cet article ne comportait cependant qu’une erreur : la Breizh Touch n’avait pas coûté 2, 5 millions d’euros mais 4. D’argumentation en réponse, il n’y en a jamais eu. La labellisation de la Bretagne, la « réunification », l’invraisemblable entreprise de révision ethnique du cadastre en cours via l’Office de la langue bretonne, la monstrueuse Vallée des saints implantée à Carnoët avec l’appui de Locarn (dans le but d’attirer des touristes du monde entier et de leur montrer les vrais saints allogènes, mille saints authentiquement celtiques destinés à devenir la « locomotive touristique identitaire » d’une Bretagne des origines ethniquement distincte de la France), tout concours à la même entreprise obscurantiste.
Françoise Morvan
Ce texte est paru sur le site delairagauche en réponse au texte de Jacques Rolland, « La bretonnitude contre le développement scientifique ».
© Françoise Morvan