En 2007, Françoise Morvan rédige une courte page ironique au sujet de la Breizh touch, une très coûteuse opération de communication identitaire mise en place par Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional de Bretagne.
Ce texte est publié dans la page « rebonds » de Libération.
On pourra trouver cet article sur le site du journal.
Ou ici en PDF
S’ensuit un déferlement sans précédent de messages haineux.
F. M. : « Aurais-je su quel bruit et quelle fureur j’allais déclencher en publiant dans Libération une page « rebond » intitulée (par la rédaction] « Breizh touch au grisbi » que je serais restée tranquille au Canada sans m’occuper des bagadou — mais j’aurais eu tort car l’incroyable masse d’articles et de communiqués produits à cette occasion formait un étonnant portrait du mouvement breton par lui-même. »
Nous avons archivé ces articles et productions diverses de militants bretons en les considérant comme un matériau, puis nous avons procédé à une synthèse qui a donné lieu à un entretien sous forme de mise au point.
Quelques mois plus tard, sans motif particulier, semble-t-il, et sans réelle suite dans les idées, la rédaction de Libération publiait un article de Jean-Yves Le Drian à la gloire de cette opération de promotion identitaire par lui baptisée Breizh Touch.
On pourra lire en ligne cet article intitulé « De la Breizh touch au fighting spirit ».
Des lecteurs ont protesté.
Éric Jézéquel, qui avait mené l’entretien au sujet des retombées de la Breiz touch, a adressé au journal une lettre de lecteur, qui n’a pas été publiée.
Nous la donnons ici.
FOLKLORISATION ET MARCHANDISATION OU LE GLOBISH BRETON
L’article de Jean-Yves Le Drian, président socialiste du conseil régional de Bretagne, « De la Breizh Touch au Breizh fighting spirit » rassemble tous les lieux communs des autonomistes bretons à présent recyclés par la gauche de droite, l’ethnisme prenant le relai d’un projet socialiste absent…
Premier lieu commun : la Bretagne martyre (sous-entendu : de l’État français) a su se relever (sous entendu : grâce au lobby breton du célib) et va pouvoir continuer grâce à l’union de l’identitaire et du business (exemple : la ridicule — et ruineuse : : 6,5 millions d’euros ! — opération de la « Breizh Touch » ) L’alliance des autonomistes et du patronat ultralibéral vise bien à faire de la Bretagne un « tigre celtique », comme Le Drian l’a dit à l’Institut de Locarn et comme il le répète ici.
Deuxième lieu commun : la revendication ethniste servant de soubassement à ce projet — le « fighting spirit », c’est un « trait de caractère celtique » ! Autrefois les fascistes de Breiz Atao s’acharnaient à défendre la « race celtique » caractérisée par son imaginaire, son désintéressement et sa grandeur d’âme. Maintenant, fi de l’âme rêveuse des celtes, le caractère breton, en tant que celte, se caractérise par « la créativité culturelle, l’innovation économique et la solidarité du bien-être ensemble ». Les Bretons ont « l’innovation économique » dans les gênes : ils ont intérêt à se mettre au travail.
Troisième lieu commun : l’éternel discours victimaire servant aux autonomistes à opposer la Bretagne et la France. Lire « nous avons dégradé nos sols, nos eaux, pour nourrir la France » est scandaleux quand on sait que l’agriculture productiviste a été la grande gloire du lobby breton.
Ce qu’il faut retenir de ce discours pubard, c’est le « nous » opposé à « eux » les Français. Nous, les Bretons, d’une ethnie distincte, ayant un caractère celte et non latin (éternelle opposition de la celtitude et de la latinité, leit motiv des nationalistes bretons). Nous qui voulons sur Internet notre adresse en .bzh au lieu de .fr. Nous qui ne sommes pas français mais celtes.
Jean-Yves Le Drian écarte prudemment autonomisme et séparatisme mais son discours est bien celui des autonomistes. À la place des valeurs de la République, l’ethnicisation, la folklorisation de l’identité et sa marchandisation au service de l’Europe des régions ou le socialisme paillasson de l’ultralibéralisme. « Breizh Touch » et « Fighting Spirit » : le breton mis au service du global english triomphant.
C’est exactement ce que dénonçait le Le 21 septembre dernier, le « rebond » « Breizh touch au grisbi ».
Éric Jézéquel