Réécriture de l’histoire et censure (le cas Monjarret, suite)


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L’affaire Monjarret peut sembler tout à fait anecdotique, voire dérisoire. Elle offre cependant un exemple particulièrement parlant de réécriture de l’histoire, de censure, de propagande nationaliste et d’aveuglement sélectif de la gauche régionaliste.

Paul, dit Polig, Monjarret est une figure du mouvement nationaliste breton issu de la collaboration qui a particulièrement bien réussi à occulter son passé sans toutefois le renier.

 Ce joueur de biniou a joué un rôle tout à fait essentiel en poursuivant le combat engagé sous l’Occupation par le biais de la musique. Du bagad au festival interceltique de Lorient, son succès a été constant, et sur les bases inchangées de la promotion de la Bretagne comme nation, et comme nation celtique, à libérer de la tutelle de la France républicaine pour lui donner place dans le concert des nations libérées ou en voie de libération, Irlande, Écosse, pays de Galles, etc

 Lorsque la municipalité de Plescop (Europe-Écologie-les verts) a décidé de donner son nom au nouveau collège, de nombreuses associations, alertées par un courageux élu de Plescop, Monsieur Cyril Jan, se sont mobilisées pour protester, rappelant le passé de cet organisateur des formations de jeunesse du Parti national breton nazi et ses prises de position racistes bien longtemps après guerre.

 Il aurait été simple de mettre la question en débat et de confronter les points de vue comme le proposait depuis de longues années la Libre Pensée du Morbihan.

Un tel débat, donnant des informations réelles sur le passé de Paul Monjarret, aurait eu le mérite de permettre ensuite aux municipalités invitées par des associations à donner son nom à des rues ou des places de se déterminer en pleine connaissance de cause. Il est scandaleux de voir des municipalités socialistes, comme celle de Guingamp, accepter d’attribuer le nom de Monjarret à une rue, en prenant soin d’attribuer simultanément le nom d’une autre rue à un résistant (il s’agit malheureusement d’une stratégie devenue habituelle dans les municipalités liées aux autonomistes de l’UDB : voir le quartier des Longchamps à Rennes). Rappelons que douze associations ont protesté lors de l’affaire de Plescop et que la polémique ne manquera pas de rebondir à chaque occasion.

Mais c’est précisément ce débat qu’il fallait rendre impossible.


1. Réécriture de l’histoire

Pour museler l’opposition, la municipalité de Plescop a organisé un pseudo-débat rassemblant trois historiens autonomistes chargés de venir blanchir Paul Monjarret.

Le texte de la conférence de Kristian Hamon (le seul de ces historiens à avoir vu le dossier Monjarret aux archives) a immédiatement été mis en ligne sur le Breizh-blog d’Ouest-France.

 

2. Censure

Bien que fort biaisés, les arguments développés par cet historien suffisant à établir les responsabilités d’un militant dont il était en toute objectivité impossible de donner le nom à un collège, la Ligue des Droits de l’Homme de Rennes a adressé une argumentation en réponse qui a dans un premier temps été mise en ligne dans les commentaires suivant le texte de la conférence, puis a été censurée.

 

3. Propagande nationaliste

Les méthodes propagandistiques des nationalistes bretons se sont révélées à ce propos particulièrement virulentes : circulaires adressées à tous les maires du département, tentatives d’intimidation, campagne de débaptisation de rues, désinformation par communiqués de presse annonçant que le nom de Monjarret était attribué au collège — le tout émanant d’officines dont le groupe nationaliste « de gauche » Bemdez, dirigé par Bertrand Deléon, directeur d’une école Diwan et à présent responsable des études primaires des écoles Diwan. Les propos tenus en toute impunité par ce responsable pédagogique donnent une piètre idée de l’idéologie autorisée dans ces écoles.

 

4. Aveuglement sélectif de la gauche régionaliste

La mairie de Plescop avait proposé le nom de trois militants nationalistes, Paul Monjaret, Angela Duval, Alan Stivell, alors même que Plescop est la ville natale de Charles Le Quintrec dont le nom semblait tout au moins devoir être proposé mais avait été exclu par avance. Il s’agissait donc d’un choix partisan.

Les écologistes sont, en Bretagne, alliés aux autonomistes de l’UDB : le « combat breton » amène ainsi à occulter volontairement le passé.

Il nous a donc semblé particulièrement important de rappeler les faits et de les mettre en contexte.

Du fait que le texte du pseudo-débat de Plescop est consultable en ligne, nous ne le reproduirons pas ici et nous nous contenterons de donner notre argumentation en réponse — argumentation supprimée du blog d’Ouest-France.

Monjarret, il Ololê
25 novembre 1943. Paul Monjarret, « réfractaire au STO »,
recrute des jeunes dans le journal collaborationniste Ololê.

 


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LE CAS MONJARRET :

ARGUMENTATION EN RÉPONSE

 

De nombreuses associations (Ligue des Droits de l’Homme, ANACR, ARAC, LP, etc ) ont protesté contre l’attribution du nom du militant nationaliste breton Paul (dit Polig) Monjarret au collège public de Plescop et contre les hommages qui lui sont rendus publiquement.

Le prétendu « débat contradictoire » organisé le 8 avril par la mairie de Plescop, loin de chercher à « faire la lumière » sur le passé de Paul Monjarret, excluait toute participation de personnes contestant le choix de son nom pour avoir étudié son itinéraire.

Ce pseudo-débat rassemblait trois historiens autonomistes :

— Jean-Jacques Monnier, élu autonomiste à Lannion, auteur d’un essai très controversé intitulé Résistance et conscience bretonne paru aux éditions nationalistes Yoran embanner.

— Kristian Hamon, donné par Le Peuple breton, organe de l’UDB, comme membre de ce parti au moment de la parution de son essai sur le Bezen Perrot paru aux éditions nationalistes Yoran Embanner ;

— Erwan Chartier, auteur d’un essai à la gloire de Morvan Lebesque (qui fut lui-même un militant nationaliste breton pronazi dès avant-guerre).

 Le modérateur du débat, Thierry Guidet, est surtout connu pour avoir écrit une apologie d’un autre militant nationaliste collaborateur des nazis, l’abbé Perrot, exécuté par la Résistance).

 Jean-Jacques Monnier, Erwan Chartier et Thierry Guidet, n’ayant pas travaillé sur le dossier Monjarret, n’étaient là que pour conforter les recherches de Kristian Hamon, lequel avait déjà été chargé par la revue de BAS, Ar Soner, de fournir une argumentation susceptible de blanchir Paul Monjarret.

 La longue analyse qu’il donne sur le blog d’Ouest-France pour court-circuiter ce qu’il appelle une « polémique malsaine » s’inscrit donc dans la suite de ce qu’il a déjà produit.

 Cependant, une recherche historique est neutre et consiste à croiser les faits, non à faire la synthèse des dépositions les plus favorables à l’accusé ou prendre au pied de la lettre ses dépositions et celles de ses témoins.

 Le texte de Kristian Hamon, diffusé lors du « débat » et immédiatement mis en ligne sur le blog du journal Ouest-France, a toutefois le mérite de permettre d’en revenir à la stricte vérité des faits.

 

1. UN MILITANT ADULTE

 Kristian Hamon commence par présenter Paul Monjarret comme un jeune scout, oubliant de préciser qu’étant né en 1920, il était adulte au début de l’Occupation. Menuisier, il travaillait dans l’entreprise de son père.

 

2. UN COLLABORATEUR PRÉCOCE

 Dès décembre 1940, quoique n’ayant qu’une formation de menuisier-ébéniste,  il est recruté comme cadre de ce que Kristian Hamon appelle «  l’École de Mordelles » (en fait, l’« École de formation des cadres, secrétariat de Jeunesse et sport », institution pétainiste que les autonomistes entendaient contrôler). Dès 1940, il exerce donc des responsabilités dans les institutions collaborationnistes.

 

3. UN MILITANT AUTONOMISTE DE LA PREMIÈRE HEURE

 Kristian Hamon l’avoue, il est, dès cette date, « proche des idées du PNB », Parti nationaliste breton pronazi, et c’est sous l’influence de Monjarret et du directeur du cercle celtique de Rennes que le centre est soumis à une propagande intensive.

Kristian Hamon omet de préciser que c’est au cercle celtique de Rennes qu’il a fait la connaissance d’Isidore, dit Dorig, Le Voyer (1914-1987), militant autonomiste de longue date, membre du PNB, qui, dès les années 30, il a inventé le biniou braz sur le modèle de la cornemuse écossaise puis a fabriqué des bombardes au son puissant pour accompagner cet instrument dans des cliques paramilitaires. Le Voyer accompagnera Monjarret durant l’Occupation et après.

 

 

4. CADRE DE 1940 À 1942 D’UNE ORGANISATION COLLABORATIONNISTE

 Kristian Hamon note que, quoique l’École de Mordelles prenne « une direction nettement collaborationniste », Paul Monjarret est encore en poste en 1942 au moment où un jeune fasciste, Maurice-Bernard de La Gâtinais, s’apprête à prendre la direction de l’École. En fait, en 1942, Paul Monjarret est détaché à la direction de délégation de Bretagne du secrétariat à la Jeunesse dont La Gâtinais prend la direction suite aux manœuvres de Yann Fouéré (comme Henri Fréville l’a montré depuis longtemps in Archives secrètes de Bretagne). En 1942, Paul Monjarret est donc cadre d’organisations collaborationnistes stratégiquement décisives.

 

5. PARTISAN DES ORGANISATIONS DE JEUNESSE NAZIES

 Kristian Hamon passe sous silence les raisons de la démission de Paul Monjarret en 1942 afin de laisser accroire qu’il aurait blâmé les idées de La Gâtinais. Nous connaissons ces raisons puisque Monjarret s’en est expliqué dans le journal du PNB nazi, L’Heure bretonne.

Le 2 mai 1943, il expose sa vindicte contre les organisations pétainistes de la Jeunesse, qu’il juge indignes des « jeunesses organisées, donc fortes, de pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Finlande. »

En Bretagne, écrit-il, des « techniciens de la Jeunesse » « étudient et mettent au point l’organisation future de la jeunesse bretonne » digne de l’Europe fasciste. 

Il écrit cela à la veille de fonder BAS (Bodadeg ar Sonerion) lors du congrès de l’Institut celtique. Son article est donc programmatique.

La manière dont Kristian Hamon excuse cet article en alléguant que « Yann Goulet l’a repris »  est encore plus accablante pour Paul Monjarret puisqu’elle est la preuve de la collusion entre lui et Goulet, le chef des organisations de jeunesse du PNB, condamné à mort à la Libération.

 

6. INTERVENTION DU PNB À LA GESTAPO EN SA FAVEUR

 C’est bien dans cette perspective que, comme le rappelle Kristian Hamon, « voulant concilier ses idées nationalistes bretonnes et sa passion pour le scoutisme, il entreprend de créer un mouvement scout spécifiquement breton ».

Mais les jeunes ne se laissent pas enrôler dans cette croisade à relents autonomistes : « c’est un échec ».

Kristian Hamon l’avoue : craignant d’être arrêté en octobre 1942,  «  Polig Monjarret demande aux Allemands de contacter de Quélen, le chef départemental du PNB, qui intervient en sa faveur. » 

Jacques de Quelen, avocat, l’un des plus fanatiques chefs du PNB, connu pour avoir recruté pour les Bagadou Stourm et la milice Perrot, était en relation étroite avec la Gestapo de Saint-Brieuc. Ainsi intervient-il immédiatement pour Paul Monjarret.

 

7. ADHÉSION AU PNB NAZI

 Kristian Hamon explique que, deux semaines plus tard, Monjarret « reçoit la visite d’un certain Guyomard qui lui explique les avantages de cette adhésion, notamment la possibilité d’échapper au départ en Allemagne pour le STO » et c’est alors qu’il adhère au PNB.

Ayant consacré un essai au Bezen Perrot, Kristian Hamon sait parfaitement qui est Jean Guiomard, futur milicien sous uniforme SS du Bezen Perrot, l’un des amis les plus proches de Monjarret : il distribuera L’Heure bretonne avec lui durant de longs mois et on le retrouvera dès l’un des premiers numéros de la revue Ar Soner de Paul Monjarret après-guerre.

Quant à l’excuse d’échapper au STO en octobre 1942, elle est ridicule puisque le STO ne sera institué par l’Allemagne qu’en février 1943.

De même, plus tard, Paul Monjarret se présentera comme réfractaire du STO, poursuivi par la Gestapo, alors que nous disposons d’un rapport indiquant qu’il sera bien arrêté comme réfractaire « mais relaxé aussitôt, ayant exhibé une attestation délivrée par les autorités allemandes l’exemptant de travail obligatoire. » 

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8. ÉCRITS, ENGAGEMENTS, COMBATS

 Assimilant le cas de Paul Monjarret à celui de Youenn Gwernig, qui a donné son nom au centre culturel de Scaër, Kristian Hamon explique que Youenn Gwernig fut, lui aussi, adhérent du PNB à l’âge de 17 ans.

C’est oublier que Paul Monjarret avait, lui, déjà de longues années de collaboration derrière lui en 1943.

— Il avait collaboré à L’Heure bretonne, journal pronazi, raciste et antisémite.

— Il avait fondé BAS (Bodadeg ar sonerion, l’Assemblée des sonneurs), clique du PNB. 

— Il avait participé à l’organisation des Bagadou Stourm (ou Groupes de combat, plus tard rebaptisés Strolladou Stourm pour faire SS, d’après Yann Goulet, leur chef, condamné à mort à la Libération).

Kristian Hamon ne nie pas du tout ces faits. Il se contente de les rendre incompréhensibles en citant les dépositions de Paul  Monjarret au cours de son procès. Ce dernier reconnaît qu’il a été « le chef de la clique des sonneurs » du PNB et qu’il a participé au « camp de Landivisiau ». Cela ne dit évidemment rien à personne.  En termes clairs :

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9. BAS 1943, UNE CLIQUE RACISTE AU SERVICE DU PNB

— Paul Monjarret a, en effet, fondé BAS en mai 1943, lors du congrès de l’Institut celtique présidé par Roparz Hemon (agent de la Gestapo SR 780, également directeur du journal Arvor et du poste de Roazhon-Breizh, auquel collaboraient Monjarret et Le Voyer). L’article 2 des statuts stipulait que « BAS n’accepte comme membres actifs que des Bretons de race. »

 

 10. LES BAGADOU STOURM, DES GROUPES DE COMBAT AU SERVICE DU PNB

 Il a été l’un des organisateurs du camp de Landivisiau au cours duquel a eu lieu d’un des épisodes les plus violents de l’histoire des Bagadou Stourm,  comme Kristian Hamon lui-même le rapporte dans son essai Les Nationalistes bretons sous l’Occupation publiés aux éditions nationalistes An Here, puis Yoran embanner : les jeune miliciens vont défiler au pas de l’oie à Landivisiau, bottés, sinistres dans leur uniforme noir, derrière un drapeau évoquant la croix gammée. Les habitants se rebellent et de violents affrontements ont lieu. Les Bagadou Stourm sont protégés par les Allemands.

Cet épisode est rendu incompréhensible dans la déposition de Paul Monjarret que reprend Kristian Hamon, lequel se garde bien d’expliquer de quoi il retourne.

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11. MONJARRET CHEF DES BAGADOU STOURM EN NOVEMBRE 43

 Lorsqu’il reprend à son compte les allégations de Paul Monjarret —  « J’ai donc appartenu au PNB de novembre 42 au 19 août 43  » —, le présentant comme un inoffensif  musicien qui, par suite d’une erreur de jeunesse, aurait appartenu pendant neuf mois seulement au PNB, il sait ce qu’il dissimule. En effet, il ne peut ignorer le rapport des Renseignements généraux montrant qu’à la fin de l’année 1943 Paul Monjarret est l’un des chefs des Bagadou stourm avec Hoël Chevalier qui s’engagera bientôt au Bezen Perrot :

« 8 novembre 1943. Dissension (sic) dans les Côtes-du-Nord entre le chef des SS Noël Chevalier, germanophile, et le chef départemental De Quélen, anglophile.[…] 22 novembre 1943. Incidents à Saint-Brieuc où les jeunes du Bagadou Stourm, emmenés par Monjarret et Chevalier, se sont rendus le 19 à une réunion du Cercle celtique. L’un d’eux s’étant présenté en uniforme, le président Salaün lui intima l’ordre de déposer à la porte ses attributs et insignes » (ADIV 43 W 53, cité par Kristian Hamon in Les Nationalistes bretons sous l’Occupation, paru en 2001).

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12. MILITANT AU GRAND JOUR JUSQU’EN JUIN 44

Kristian Hamon semble ignorer les activités de Paul Monjarret après le 19 août 1943, date à laquelle il est supposé avoir rendu sa carte de membre du PNB pour avoir été scandalisé par les combats des Bagadou stourm…

Nous savons pourtant qu’il les poursuit jusqu’en juin 1944, date à laquelle ce réfractaire au STO peu clandestin prononce encore sous son propre nom un discours dans le cadre des fêtes celtiques organisées à Vannes avec autorisation exceptionnelle de l’occupant.

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13. SUBITEMENT ARRÊTÉ ET DÉPORTÉ ?

 Jusqu’alors, Paul Monjarret s’était présenté comme arrêté par la Gestapo en juillet 1944 car réfractaire au STO. Il est intéressant de noter que cette version disparaît à présent sous la plume de K. Hamon.

Se constituant prisonnier à son retour d’Allemagne en juin 1945, Paul Monjarret explique, comme on peut le lire dans ses dépositions retenues par Kristian Hamon, que ce discours de Vannes, aux côtés de Fouéré et de la fine fleur de la collaboration, aurait motivé son arrestation par la Gestapo au lendemain de son mariage avec une jeune fille dont la sœur épousa le même jour Isidore Le Voyer, (notons au passage qu’une autre de ses sœurs allait épouser l’adjudant du Bezen Perrot, Paul Perrin). Les explications d’Isidore Le Voyer à ce sujet sont plus confuses encore : les fêtes de Vannes auraient couvert des réunions de maquisards…

Chacun sait à présent que cette déportation n’était qu’un mensonge, Monjarret et son beau-frère ayant organisé leur arrestation avec le SD de Saint-Brieuc, comme le rapporte Sébastien Carney dans son essai Breiz Atao.

En effet, au moment où leurs amis du Bezen Perrot préparent leur fuite, Le Voyer et Monjarret sont menés à Rennes, où leurs épouses les rejoignent et obtiennent des autorités allemandes les papiers nécessaires pour pouvoir les suivre en Allemagne.

Kristian Hamon cite que les dépositions des militants autonomistes ou témoins à décharge attestant que la Gestapo est bien venue arrêter Polig et Dorig chez leur belle-mère mais il censure le rapport des RG qui dit bien la vérité à leur propos :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte des renseignements que j’ai recueillis auprès d’informateurs sûrs concernant deux membres du P.N.B. : Monjarret Paul originaire de Guingamp et Le Voyer Dorrick (sic) de Paris.

Ces deux individus, militants autonomistes très actifs durant toute l’occupation participent en particulier le premier à des Congrès, camps divers, etc. Ils avaient fondé une école folklorique bretonne. Ils chantèrent et jouèrent du biniou en 1943 à la radio de Rennes, durant l’heure consacrée à cette époque aux « régionalistes ».

Un mois environ avant la libération, ils épousèrent deux des six filles de Madame Le Foll sympathisante autonomiste demeurant rue Brizeux à St Brieuc (cette personne est la mère de la fiancée du « SS Breiz Atao » PERRIN Paul que j’avais arrêté en décembre 1944 et qui s’est évadé le 20 janvier 1945, du poste de police de St Brieuc)

Le 12 juillet 1944, trois semaines donc avant la libération, la gestapo arrête au domicile de Madame Le Foll, MONTJARRET et LE VOYER. Le lendemain matin à 5 h 1/2 ils étaient envoyés à RENNES, d’où ils furent dirigés sur l’Allemagne.

Immédiatement après, les jeunes épouses des deux membres du P.N.B. disparurent. D’après des renseignements que j’ai recueillis, elles ont rejoint spontanément leurs maris en Allemagne, où tous vivent actuellement.

Dans les milieux autonomistes on estime que l’arrestation de Le Voyer et de Montjarret est une mise en scène destinée à camoufler aux yeux du public la fuite de ces deux individus.

En effet, ils étaient en très bonnes relations avec les autorités allemandes. Ils avaient d’après certains renseignements, des permis de circuler pour motocyclettes, difficiles alors à obtenir.

En outre, le fait que leurs femmes aient été autorisées à les suivre en Allemagne et à vivre avec eux est assez cinique (sic). »

K. Hamon se livre néanmoins à un semi-aveu qui montre qu’il ment intentionnellement  : «  Mon sentiment est qu’il s’agit d’un coup monté par Lainé [le chef du Bezen Perrot]. Celui-ci a utilisé tous les moyens, y compris le chantage, pour amener les jeunes des Bagadoù au Bezen Perrot. » Mais, bien sûr, à l’en croire, Monjarret, n’étant plus membre des Bagadou Stourm, n’avait aucune raison de s’enrôler au Bezen, Les faits sont connus : à Rennes, Lainé envoie l’un de ses lieutenants pour convaincre Monjarret et Le Voyer de s’enrôler au Bezen (comme leurs amis les frères Guiomard de Guingamp, et leur beau-frère Paul Perrin) avant de partir pour l’Autriche. Mais, rusés renards, les deux acolytes préfèrent se ménager la possibilité de jouer double jeu en cas de défaite allemande.

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14. EN AUTRICHE AVEC LE BEZEN

 D’après Kristian Hamon, en Autriche, rien à signaler.

À son retour, Monjarret se présentera, ne l’oublions pas, comme déporté car réfractaire au STO, avec Le Voyer, déporté, lui, on ne sait pas pourquoi.

Pourtant, le Bezen se retrouvera en Autriche… et Monjarret passera deux mois avec les SS du Bezen, avant d’assister au dernier discours de Lainé

K. Hamon passe totalement sous silence ces mois avec le Bezen. Ce pauvre Monjarret n’était-il pas déporté ?

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15. PROFIL BAS

 Paul Monjarret, qui a su bien préparer son retour, se présente le 2 juin 1945 à la gendarmerie de Saint-Brieuc avec une déposition toute prête.

Célébrant avec euphorie l’arrivée des alliés et se plaignant d’avoir beaucoup souffert, il expose qu’il fut arrêté à son retour d’Allemagne, . Ses dépositions peuvent être lues telles que les cite  Kristian Hamon. Exemple type de défense préparée sur les conseils d’un bon avocat…

Kristian Hamon ne retient que les témoins à décharge, militants autonomistes comme Coatgourheden ou autres, tous mystérieusement présents lors de la providentielle arrestation par la Gestapo qui semblait avoir mobilisé partisans et amis…

Acquitté faute de preuves, Paul Monjarret peut reprendre son combat.

 

16. UN COMBAT GLORIEUX

 Quel plus grand succès que l’occultation de son passé permettant de présenter ce militant tout acquis à la cause des jeunesses fascistes comme modèle à de jeunes collégiens ?

Et surtout, appuyant le choix de ce modèle contre les valeurs de la République jusqu’alors transmises par l’école laïque, quel plus grand succès que l’occultation de ses prises de position témoignant jusqu’à la fin de sa vie de sa fidélité à ses engagements : en juillet 1950, répondant à des sonneurs, Paul Monjarret explique qu’il existe une race bretonne et seuls sont Bretons les Bretons de sang :

 « Le breton naît où il peut (fils de marin, de fonctionnaire) (…). Il n’en est pas moins breton de naissance si dans ses veines coule le sang riche et ardent de la vieille race bretonne (…). [Mais] un enfant né de parents étrangers, même né en Bretagne, ne peut être considéré comme breton de naissance.»

La Bretagne, racialement distincte de la France, a donc droit à son indépendance : c’est le vieux thème de Breiz Atao et du PNB.

 Rien d’étonnant donc si, en 1957, les attentats de l’IRA le trouvent plein d’indulgence car il « admet qu’un peuple poussé à bout par les exactions de l’occupant, par son aveuglement et sa surdité devant toute proposition de solution pacifique et légale, soit appelé à l’employer. »  C’était, dans les années 30, la rhétorique de Breiz Atao face aux attentats de Gwenn-ha-du ; ce sera en 1976 encore, celle de Paul Monjarret face aux attentats du FLB.

Celui qui le rappelle, dans son essai sur le FLB, c’est précisément Erwan Chartier, présent lors du « débat contradictoire » pour défendre l’attribution du nom de Monjarret à un collège public : expliquant qu’il fut l’un des dirigeants du MOB de Fouéré, premier parti nationaliste breton à voir le jour au lendemain de la Libération, il écrit :

« Les 10 et 11 novembre 1957 à la  mairie de Lorient. Le MOB est divisé quant à l’utilisation de la violence : quelque temps plus tard, un autre dirigeant du MOB et une personnalité  culturelle reconnue, Polig Monjarret, déclare au congrès du mouvement : « La seule  politique qui paye est celle de la violence ».

 Laissons à Monjarret le mot de la fin.