Le racisme et l’antisémitisme de Youenn Drezen

 

 L’écrivain Yves Le Drezen, dit Youenn Drezen, a collaboré au journal Arvor dirigé par Roparz Hemon  du 21 juin 1942 au 4 juin 1944. Ces articles en breton ont été réédités en 1986 par le professeur Pierre Denis, dit Per Denez, aux éditions Mouladurioù Hor Yezh, qu’il dirigeait. La collaboration de Drezen à L’Heure bretonne telle que publiée par Per Denez en 1989 et 1991 à ses éditions occupe deux volumes, le premier d’entre eux précédé d’une préface dans laquelle l’éditeur explique que les textes sont apolitiques : si  l’un des articles peut gêner certains des jeunes lecteurs à qui ce livre est d’abord destiné,  écrit-il, « les écrivains bretons sont restés, en gros, dans  un monde effrayant de haine, de massacres et d’autodestruction, sages, respectueux des autres et convenables ». 

Ces textes ont été subventionnés à hauteur de 40% par l’Institut culturel de Bretagne dont le professeur Per Denez était le vice-président.

Volumes publiés avec l’aide de l’Institut culturel de Bretagne

C’est dans L’Heure bretonne que l’antisémitisme de Drezen apparaît le plus virulent. Il se double d’une haine de la France et de l’Angleterre résistante qui l’amène à dénoncer « les Juifs de radio-Londres » voire « les   salades des youtres ».  Ses articles sont constamment orientés par le souci de défendre une Bretagne radicalement pure contre la France « enjuivée » comme l’écrivait un autre des fondateurs de Breiz Atao, Olivier Mordrelle, dit Olier Mordrel.

Je me bornerai ici à seul exemple.

Le 16 août 1941, furieux de voir que les Bretons narguent l’occupant en célébrant le 14 juillet à leur manière malgré l’interdiction, Drezen clame sa haine dans un article intitulé « La fille aux pieds tricolores » :

« Autant le dire tout de suite, j’ai été écœuré cette année par le Quatorze juillet des Français et, si j’avais eu la moindre goutte de sang français dans mes veines, j’aurais rougi de honte… Quelle floraison tricolore, mes pauvres amis ! Jamais de ma vie je n’avais vu mes compatriotes colorés comme ça. Encore un peu j’aurais cru le dicton “Le Breton est deux fois français” ! Sauf que j’aurais dû dire : les Bretonnes !

Car je dois avouer que les hommes entre 22 et 55 ans ne s’étaient pas trop démenés. Mais les femmes, elles, et les morveux, ne savaient que faire pour montrer leur soumission aux Juifs de « radio-Londres ». Rubans tricolores dans les cheveux, fleurs tricolores sur le cœur, jupes bleues, vestes blanches, chemisiers rouges, une fête des couleurs françaises, je ne vous dis que ça !… 

Bretons, mes compatriotes ! A nous aussi il arrivera, à l’occasion de fêtes ou d’événements divers, de montrer au grand jour notre amour pour notre pays la Bretagne. Ne prenons pas exemple sur la sottise des Français ou des Bretons francisés. Soyons fiers des symboles de notre nation : le drapeau noir et blanc, l’hermine, le hevoud, le triskell. Mais ne tombons pas dans le déshonneur. Un Quatorze juillet  comme celui de 1941 n’a fait que du tort à la France, déjà bien mal en point. »

 Telle était la prose subventionnée sur fonds publics.

 On en trouvera bien d’autres exemples dans l’article « L’antisémitisme de Youenn Drezen d’après ses articles publiés dans le journal Arvor dirigé par Roparz Hemon (1942-1944) et dans L’Heure bretonne (1940-1944) » reproduit ci-après en PDF.

Françoise  Morvan

 

On trouvera ici l’article  L’antisémitisme de Youenn Drezen d’après ses articles publiés dans le journal ARVOR dirigé par Roparz Hemon (1942-1944) et dans L’HEURE BRETONNE (1940-1944).

 

 

 

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L’article qui précède a été écrit en 2001 pour alerter les instances culturelles en Bretagne.

Il a été largement diffusé mais n’a servi à rien.

Le nom de Youenn Drezen est toujours donné à des lieux publics.

Les protestations contre les hommages qui lui sont rendus, et parfois par des mairies de gauche comme à Pont-L’Abbé, sont systématiquement étouffées.

L’Institut culturel de Bretagne, interrogé au sujet de ces publications, n’y a rien vu à redire.

Un vibrant hommage funèbre a été rendu par Jean-Yves Le Drian et divers élus socialistes à Pierre Denis, l’éditeur de ces textes, qui assurait en préface que les articles de Youenn Drezen, parus dans L’Heure bretonne, organe du PNB nazi, étaient apolitiques.

À l’en croire, Roparz Hemon lui-même, directeur de l’Institut celtique, du journal Arvor, de Gwalarn, de Sterenn et de la radio en breton dépendant des service de propagande allemands et grand pourfendeur, lui aussi, de Marianne qui vendait la Bretagne à « ses Juifs » était apolitique :

« Les militants pour la langue pensaient alors que le breton devait rester “en dehors de la politique”. C’est ce qu’expliqua Roparz Hemon à son procès à Rennes : “Le breton est en dehors de la politique”. Ce qui fit applaudir les gens dans la salle et le président menaça de donner ordre aux policiers de faire sortir les gens qui continueraient à manifester… Depuis, la pensée de bien des gens a changé sur ce point : la pensée des jeunes surtout. »

 Aux jeunes donc de reprendre le combat sur une base, elle, politique.

La publication des textes de Youenn Drezen était, sous couvert d’apolitisme, une incitation à suivre son exemple et aller plus loin.

Pierre Denis était directeur du département de Celtique de l’université Rennes II.

Il a formé plusieurs générations d’étudiants.

  

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 Et cependant quelques protestations se font jour çà et là…

En 2000, Noëlle Cousinié, rédactrice du journal Ouest-France édition de Pont-L’Abbé, avait (chose tout à fait exceptionnelle et qui ne s’est d’ailleurs plus jamais reproduite dans la presse bretonne) relayé les informations données dans un dossier Drezen alertant sur le parcours du personnage lors de l’hommage qui lui était rendu par la mairie socialiste de cette ville.

S’ajoutant aux traductions de textes racistes et antisémites jointes à un dossier de la Ligue des Droits de l’Homme, un professeur de Pont-L’Abbé, bretonnant de naissance, André Buannic, avait appuyé cette protestation.

Il s’en était suivi une polémique au cours de laquelle les militants nationalistes, tant dans leur journal Breizh infos que par la plume du président de l’Institut culturel de Bretagne, avaient tenté de discréditer les personnes qui avaient apporté des informations fiables au sujet de Drezen.

On trouvera ici copie du droit de réponse exercé le 16 mars 2000.

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« Découvrant dans le numéro d’Ouest-France du 13 mars dernier un courrier du Président de l’Institut culturel de Bretagne me mettant en cause et occultant la vérité pour ce qui concerne l’affaire Drezen, je tiens à rétablir cette vérité, au nom de l’information qui est due aux lecteurs.

        S’il avoue enfin que les textes racistes de Drezen ont bien été subventionnés par l’Institut culturel, le Président prétend que ces textes ont été publiés par “un éditeur finistérien” “de manière parfaitement honnête” avec un “avertissement de l’éditeur indiquant bien que quelques articles pouvaient poser problème”. C’est scandaleux. J’adresse copie à la rédaction de la traduction française et de l’original breton de la préface de Per Denez (car l’innocent “éditeur finistérien” n’est autre que le vice-président de l’Institut culturel qui a été subventionné à hauteur de 40% pour ce volume). Il est facile de vérifier que sa préface allègue que ces textes sont apolitiques. Les “quelques textes qui pouvaient poser problème” (doux euphémisme pour des articles racistes publiés dans un journal pro-nazi), ce sont, d’après le préfacier, des textes sur le foot-ball. “Il faut une singulière mauvaise foi pour laisser entendre que l’on aurait ainsi cautionné des idées inacceptables”, ose écrire le Président d’un organisme chargé de distribuer des fonds publics. Je ne laisse rien entendre : j’affirme que l’Institut culturel a cautionné cette édition de textes racistes, je constate qu’il continue de la cautionner, et d’occulter la vérité sur Drezen, Hemon et tant d’autres.

        Au moment où l’Institut culturel de Bretagne va se voir confier la responsabilité d’une Maison de l’Histoire il est nécessaire de souligner la gravité de tels propos.

                                                                                                                                                                        Françoise Morvan »

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Non seulement la polémique a été étouffée mais l’Institut culturel de Bretagne a cautionné la publication, sous la plume de l’un de ses dirigeants, Emmanuel Salmon-Legagneur,  d’un dictionnaire des personnalités bretonnes recommandées pour l’attribution de noms de rues et de lieux publics. On y trouve le nom de Youenn Drezen, parmi tant d’autres militants nationalistes collaborateurs des nazis. Rien d’étonnant donc si le nom de Drezen est donné à des rues à Rennes, à Brest, à Quimper, à Plouzané où il rejoint son acolyte Xavier de Langlais et tant d’autres…

De courageux lanceurs d’alerte reprennent de temps à autre le combat. Et l’on apprend parfois comment, au nom du breton, des auteurs supposés, comme Per Jakez Hélias, s’opposer au nationalisme, faisaient le lit du nationalisme…

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Après vingt ans de combat la rue Youenn Drezen a enfin été débaptisée. C’est, en effet, en 1999 que la mairie socialiste de Pont-l’Abbé avait décidé de rendre hommage à Youenn Drezen (1899-1972). 

J’avais alors rédigé un dossier pour le Groupe Information Bretagne, le MRAP, la Ligue des Droits de l’Homme et une association laïque du Finistère. À cette occasion j’avais traduit les textes racistes et antisémites publiés par Drezen dans Arvor et L’Heure bretonne, textes qui avaient été réédités par le professeur Pierre Denis, dit Per Denez, directeur du Département de Celtique à l’Université de Rennes et vice-président de l’Institut culturel de Bretagne (entre autres associations). 

J’avais également traduit les textes racistes que Drezen avait donnés au journal de Yann Fouéré, La Bretagne, et rappelé qu’au moment de la rafle du Vel’ d’hiv’, il invitait les Juives à se coller coquettement une étoile jaune sur la poitrine et une autre sur le derrière, comme les plaques de vélo. Voici un spécimen de la prose de Drezen :

LA RUE DREZEN ENFIN DÉBAPTISÉE

 « L’étoile jaune

Depuis le 7 juin dernier tous les Juifs doivent porter une étoile jaune sur la poitrine. En Bretagne, on ne voit peut-être pas beaucoup de ces étoiles se promener le jour. Mais à Paris on en voit à chaque pas. Certains portaient déjà inscrit sur leur visage leur race et leur religion : gros nez crochu, cheveux noirs et ondulés, pieds plats… que sais-je ! D’autres cependant ressemblaient à n’importe quel chrétien et on leur aurait donné le bon Dieu sans confession. Voilà pourquoi ç’a été une bonne chose de les obliger à porter l’étoile de David ; comme ça, personne ne pourra s’y tromper : quand on voudra conclure un marché avec un Juif, ça ne sera pas chat en poche, on pourra se tenir sur ses gardes. À mon avis, les vrais Juifs, ceux qui n’ont pas honte de leur race, n’ont pas à se soucier beaucoup de cette étoile. Il y a pourtant des gens qui trouvent à les plaindre. Hier, dans le “métro”, une chrétienne, s’approchant de trois filles d’Israël au corsage étoilé, gémissait ainsi : “Si ce n’est pas une honte de vous faire ça, mes pauvres. Et en plus vous faire dépenser de l’argent pour ça, peut-être bien. — Oh, dit l’une des plus jeunes filles de Jacob, pour ça non. Notre étoile, on nous l’a offerte”. Elle était sûrement de bonne race, celle-ci ; peut-être Sarah, fille de Deborah et de Samuel, petite-fille de Rachel et Jonathan… et ainsi de suite… sans une goutte de sang étranger depuis Moïse. Si j’avais été celui qui distribue les étoiles, pour une si belle réponse, j’aurais mis à la petite-fille du Juif-Errant, en plus d’une étoile à se coller sur la poitrine, une autre à se coller… où vous savez, comme la nouvelle plaque des vélos. »

Je l’ai reproduit dans Le Monde comme si en rappelant l’itinéraire de Drezen, militant nationaliste fanatique et membre du groupe raciste Breiz Atao de la première heure. Contrairement à ce que les militants bretons s’efforcent de laisser accroire, Drezen n’a pas inexplicablement connu quatre années d’égarement sous l’Occupation : comme la totalité des militants bretons, autonomistes ou indépendantistes (à quelques rares exceptions près, dont Francis Gourvil, qui fut dénoncé à la Gestapo par le groupe rassemblé autour de l’abbé Perrot) il s’engagea aux côtés des nazis avec lesquels Breiz Atao était de longue date en relation. 

Enfin, contrairement à ce que laissent accroire les militants bretons de gauche comme de droite, Drezen, bon bretonnant, fut un écrivain d’une extrême médiocrité, populiste, lourd et vulgaire, comme le montrent d’ailleurs ses articles dans la presse collaborationniste. 

L’étonnant courage du maire de Pont-l’Abbé, et celui de Daniel Quillivic qui a osé protester à visage découvert, leur vaut, comme il fallait s’y attendre, dénonciations, invectives et menaces (avec appels au harcèlement). Boris Le Lay, responsable du site Breiz Atao, en profite pour accuser en vrac le lobby juif, les francs-maçons, les lambertistes, les communistes et les crypto-gaullistes, cependant que le Parti breton (indépendantiste) qui se proclame démocrate se livre à une apologie de l’antisémite Drezen ; on voit ainsi le mouvement breton révéler son vrai visage. 

Rappelons que les textes racistes de Drezen ont été publiés sur fonds publics, qu’ils sont toujours disponibles et que leur éditeur, le professeur Pierre Denis, dit Per Denez, a été louangé par les socialistes (ainsi Edmond Hervé, maire de Rennes, pourtant alerté, a préfacé des Mélanges en son honneur publiés par les Presses universitaires de Rennes et Jean-Yves Le Drian a tenu à lui rendre hommage lors de ses obsèques, s’inclinant devant son cercueil couvert du drapeau de la nation bretonne que, comme Drezen, il entendait libérer de la France honnie. 

Leur combat se poursuit, mais, de temps à autre, un acte de courage appelle à se libérer du mensonge institué. En effet, c’est très officiellement que le dictionnaire des personnalités bretonnes à honorer, dictionnaire de Salmon-Legagneur, lui aussi publié sur fonds publics, invite à donner le nom de Drezen et autres collaborateurs à des rues et lieux de Bretagne. 

Il reste un long travail à accomplir : à combien de rues bretonnes des noms de nazis jamais repentis ont-ils été attribués ? 

Françoise Morvan

Voir aussi « L’affaire Drezen »