En relation dès l’entre-deux-guerre avec les séparatistes du groupe Breiz Atao, Jean Adolphe, dit Yann, Fouéré choisit de jouer la carte de l’autonomisme et de présenter une apparence modérée tout en accompagnant les nationalistes bretons dans leur combat contre la France républicaine. Il n’y a là qu’un double jeu qui sera poursuivi jusqu’au bout, comme le montreront ses relations avec les nazis.
Après avoir organisé la campagne de promotion de l’enseignement de la langue bretonne dans les écoles catholiques (doublant la campagne de promotion de Yann Sohier dans les écoles laïques), il remplace le national-socialiste Olier Mordrel à la tête la revue Peuples et frontières, organe subventionné par l’Allemagne en vue d’encourager l’irrédentisme des « minorités ethniques ». Olier Mordrel explique dans son essai Breiz Atao que Yann Fouéré faisait partie du Kuzul meur (le Conseil secret) des militants autonomistes bretons décidant des grandes actions à mener avec l’appui de l’Allemagne nazie.
Sous l’Occupation, les services de propagande allemands lui permettent de diriger, en plus de la La Dépêche de Brest, le quotidien La Bretagne où se lisent les chroniques antisémites les plus virulentes jamais écrites en breton[1]. Son adjoint est Joseph Martray qui restera son plus fidèle allié.
Il figure sur la liste des agents de la Gestapo en Bretagne sous le numéro SR 715[2].
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Henri Fréville cite ses courriers de dénonciation retrouvés dans les archives de l’Occupation[3]. Il est à l’origine de la création du Comité consultatif de Bretagne, organe par lui destiné à être l’embryon du futur Parlement de Bretagne. Il en prend d’ailleurs la direction jusqu’à la Libération.
Condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité, il organise la filière de faux passeports qui permet aux militants nationalistes bretons, et notamment aux membres du Bezen Perrot, la milice bretonne sous uniforme SS, de se réfugier comme lui en Irlande. Il s’en vante dans son essai La maison du Connemara et nomme au nombre de ses amis ainsi sauvés divers Waffen SS dont le parcours est à présent connu, tels leur chef Célestin Lainé, Jean Guiomar dont il vante la réussite, Jean Miniou[4], Joseph Hirgair[5], et bien d’autres.
Ayant réussi à faire annuler sa condamnation par un tribunal militaire en 1955, il rentre en France et reprend le combat autonomiste avec son acolyte Joseph Martray (qui est à l’origine du CELIB et œuvre parallèlement avec les réseaux ethnistes européens) en créant dès 1957 le MOB (Mouvement pour l’organisation de la Bretagne), parti qui se scindera, donnant lieu à l’UDB (Union démocratique bretonne). Il s’agit d’un parti nationaliste où se retrouvent tous les militants bretons collaborateurs des nazis, ainsi Paul, dit Polig, Monjarret qui se trouve parmi les instances dirigeantes. Son journal, L’Avenir de la Bretagne, ne manque jamais de rendre hommage aux militants les plus compromis, y compris aux pires tortionnaires du Bezen Perrot, tel Léon Jasson présenté comme « patriote breton fusillé par les Français » invitant à prendre les armes et mourir pour la patrie.
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C’est dans cette mouvance que s’inscrit le terrorisme breton : le FLB n’est que la suite de Breiz Atao et les attentats font suite à ceux de l’organisation terroriste Gwen-ha-du avant guerre. Après son arrestation pour terrorisme, suite aux attentats du FLB, en 1976, Yann Fouéré a publié plusieurs ouvrages, dont En prison pour le FLB, La Patrie interdite, et La maison du Connemara, où il résume son combat pour l’autonomie de la Bretagne dans le cadre d’une Europe des ethnies. On le retrouve, bien sûr, dans les associations ethnistes européennes comme la FUEV et l’ALE.
La Fondation Fouéré le présente ici en compagnie d’autres militants nationalistes, poursuivant leur combat dans le cadre de l’Alliance libre européenne fédérant autonomistes et indépendantistes de toutes origines.
Incarnation du fascisme et du terrorisme tout à la fois, en vue de mener un combat poursuivie avec constance pour un autonomisme conçu comme une étape vers l’indépendance d’une nation bretonne à constituer contre la France laïque, démocratique et républicaine, Yann Fouéré a toujours clamé n’avoir pour seul tort que « d’avoir eu raison avant tout le monde ».
Lors de sa disparition, le parti indépendantiste breton d’extrême gauche Emgann lui a rendu hommage, de même que, naturellement, tous les partis nationalistes bretons d’extrême droite.
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Il bénéficie d’une fondation, ce qui signifie que les dons qui lui sont faits bénéficient de déductions fiscales et que ce militant nationaliste qui a toujours eu pour but le démantèlement de la France (il écrit dans La maison du Connemara que l’intérêt de la Bretagne et du peuple breton est de « démanteler cette forteresse ») est considéré par l’État français comme un bienfaiteur digne d’être honoré.
Il est d’ailleurs régulièrement honoré par le Centre culturel breton de Guingamp, subventionné par la municipalité. Ainsi le 15 octobre 2016 encore : comme on peut le voir, le fédéralisme affiché n’empêche nullement l’indépendantiste Mervin de venir présenter son cercle Pierre Landais, le tout lié aux réseaux affairistes et précédé d’une messe, selon la tradition du nationalisme breton hérité de Breiz Atao.
F.M.
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[1] La traduction de certains de ces textes figure dans Le monde comme si et le dossier de la LDH, Réécriture de l’histoire en Bretagne.
[2] Cf. F. Morvan, Miliciens contre maquisards. La liste des agents de la Gestapo en Bretagne retrouvée à la Libération comporte quelques erreurs mais est tout à fait fiable dans son ensemble et le fait que Fouéré ait été un agent de la Gestapo ne fait aucun doute, vu le rôle qu’il a joué.
[3] Henri Fréville, Archives secrètes de Bretagne (réédition Ouest-France).
[4] Cf. Miliciens contre maquisards.
[5] Cf Vincent Jaglin, La découverte ou l’ignorance.