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COMPTE RENDU D’AUDIENCE
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2 juillet 2009, chambre correctionnelle du tribunal de Rennes, 16 heures.
Ils sont deux face aux juges, deux quadragénaires d’allure lourdaude, qui sont arrivés épaule contre épaule et qui courbent le dos. L’un ne cesse de regarder derrière lui, comme si le danger, ou peut-être l’ennemi à combattre, se trouvait dans la salle. L’autre tient la barre à deux mains et le fond de son pantalon qui pend un peu lui donne l’air penaud.
Pendant des années, ils ont participé à un forum Internet baptisé soc.culture.breton. Leur centre d’intérêt : leur nation, la nation bretonne à reconquérir. Leurs débats : tous sujets pouvant faire écho à cette préoccupation majeure. Le grand maître des débats : un nommé Tepod Gwilhmod.
C’est lui qui se trouve à droite, humble et prêt à tendre l’autre joue, en bon catholique qu’il est — catholique intégriste, s’entend : Thibault Guillemot, qui a bretonnisé son nom pour s’exprimer par écrit, est surtout connu pour sa revue Kannadik Imbourc’h véhiculant les idées catholiques d’extrême droite qui sont les siennes et celles de son cousin Xavier Guillemot.[1]. Ce dernier, conseiller régional FN, puis mégretiste, militant de l’association Terre et Peuple (expression extrême de l’ethnisme), a fondé en septembre 2000 le Mouvement régionaliste de Bretagne (MRB). Thibault Guillemot s’est présenté aux élections à Lannilis sur une liste MRB. Tous deux se réfèrent à la figure familiale de l’industriel Jacques Guillemot, associé de Yann Fouéré à la direction du journal fasciste La Bretagne sous l’Occupation. Imbourc’h s’inscrit aussi dans la continuité du nationalisme incarné par son fondateur, Yves Ollivier, dit Youenn Olier, dont la sœur, secrétaire de Roparz Hemon sous l’Occupation, devait épouser Alain Louarn dit Alan al Louarn et engendrer une dynastie de militants bretons.
Thibault Guillemot n’est pas un égaré mais un militant tenace, inscrit dans un réseau unissant catholiques intégristes et militants nationalistes depuis l’entre-deux-guerres : c’est à cette époque que Yann Fouéré a commencé sa campagne en faveur du breton en investissant les écoles catholiques et en prenant appui sur les réseaux ethnistes européens. Son action s’est trouvée largement favorisée sous l’Occupation par l’appui des nazis (il figure sur la liste des agents de la Gestapo). Il lui a fallu fuir en Irlande à la Libération mais n’a pas pour autant cessé son action politique, reprise par des militants qui se réclament de lui, ainsi Thibault Guillemot.
Le forum Internet soc.culture.breton lui a servi pendant des années à diffuser une propagande identitaire à base raciste, l’antisémitisme venant naturellement se greffer sur le tronc de sa doctrine : la croyance en une pureté ethnique de la Bretagne à préserver de l’invasion par les étrangers, la pureté de la nation ne pouvant être garantie que par la reconquête de la langue bretonne, seule capable d’exprimer l’âme du Breton telle que voulue par Dieu. Feiz ha Breiz : Foi et Bretagne, ce fut le credo du mouvement breton dont il se réclame et c’est aussi le sien.
Thibault Guillemot, titulaire d’une licence de théologie, est professeur de breton, mais aussi d’histoire-géographie et d’instruction civique dans un collège catholique du Finistère.
Celui que se trouve à gauche, faisant profil bas mais prêt à bondir, c’est Michel Bellégo. Il a fait des études d’anglais jusqu’à la licence mais, apparemment plus soucieux de militer que de faire carrière, travaille au hasard de l’embauche sur des chantiers ou dans des conserveries. Pendant des années, il a, sur le forum Internet soc.culture.breton, diffusé en toute impunité une propagande incitant à la haine raciale, l’usage d’un pseudonyme, Alfred, lui permettant de faire usage de son propre nom pour des interventions moins risquées. L’enquête de police a démontré qu’Alfred était Bellégo, ce qu’il ne nie pas. Néanmoins, personne ne soulignera jamais ce double jeu, témoignant, de sa part, d’une conscience du risque pris.
Le tribunal juge les deux inculpés pour des faits réduits à leur plus simple expression.
Fin juin 2008, j’ai été invitée par France culture à participer à l’émission « Du grain à moudre » : le débat au sujet des langues régionales rassemblait un avocat, responsable de l’école Diwan de Paris (école pratiquant l’enseignement du breton dit par immersion, les élèves ayant obligation de ne parler que cette langue à l’école), un militant basque auteur d’un dictionnaire, Yvonne Bollmann, auteur d’essais dénonçant les dangers des groupes ethnistes à l’origine de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et moi, auteur de l’essai Le Monde comme si paru en 2002 aux éditions Actes sud et réédité en collection de poche en 2005.
Deux invités étaient donc favorables à l’inscription des langues régionales dans la Constitution, deux autres y étaient opposés. Les organisateurs du débat, Brice Couturier et Julie Clarini, avaient, selon la règle de cette émission, pour but premier de donner aux auditeurs « du grain à moudre » et de permettre à chacun d’exposer ses arguments de manière équitable.
Mes interventions ou mes publications sont invariablement suivies d’un déchaînement des militants nationalistes bretons. En effet, dans Le Monde comme si, j’ai protesté contre la réhabilitation d’écrivains bretons collaborateurs des nazis, et j’ai traduit du breton les textes antisémites publiés notamment dans le journal La Bretagne. D’autre part, j’ai rappelé que le breton enseigné dans les écoles est une langue artificielle, incompréhensible aux bretonnants de naissance, et que, dans la mesure où le breton est parlé par moins de 1% des jeunes, enseigner à grands frais cette novlangue à des enfants et former des instituteurs en six mois pour la leur inculquer, comme le fait, à grands frais, le conseil régional, ne va pas sans poser problème. Mais c’est un problème qu’il est interdit même d’évoquer, ce qui, en soi, en pose un autre, plus grave que cet enseignement : si la censure à cet endroit est telle, c’est que la défense du breton, cause sympathique, cache un projet politique jamais abordé, la France étant supposée devoir accorder l’autonomie aux régions dites à « identité forte » et la Bretagne étant destinée à servir de laboratoire. Le problème n’est donc pas celui des langues régionales, dont l’enseignement est assuré, mais celui de leur instrumentalisation (ce que montre mieux que tout la Charte des langues régionales et minoritaires concoctée par un lobby ethniste, l’UFCEE) . Tels sont, en bref, les faits que j’ai rappelés au cours de cette émission. Il ne s’agissait que de faits exacts et qui appelaient, en effet, à débat — un débat que l’émission n’a fait qu’ébaucher, mais c’était déjà méritoire, vu la censure régnant.
Ces considérations, qui n’ont provoqué aucune protestation de la part des autres intervenants (avec lesquels j’ai d’ailleurs poursuivi le débat de manière tout à fait cordiale avant de rentrer) ont suscité sur le forum soc.culture.breton les réactions suivantes :
- De Michel Bellégo sous le pseudonyme d’Alfred, le 25 juin à minuit douze :
Si vous n’avez jamais entendu Françoise Morvan et que vous voulez réparer ça… on peut écouter pendant quelques jours l’émission où elle est passée lundi dernier sur fRance-CULture. (Elle a une voix un peu bizarre: elle parle comme une fillette! –ce serait mignon si on n’avait pas affaire à une exterminatrice de langue bretonne). Le sujet de l’émission était le débat de l’assemblée franchouillarde sur la reconnaissance des langues indigènes parlées dans l’hexagone.
Les deux animateurs de l’émission soutenaient eux aussi l’extermination totale du breton et brandissaient des accusations de communautarisme. C’est d’autant plus arrogant de leur part que france- culture est une radio qui appartient pratiquement à la communauté juive, et qui diffuse en permanence sur la Bretagne sa propagande à la gloire des Juifs et pour le remplacement physique des Européens (tout en fonctionnant avec de l’argent public)[2].
- Du même, toujours sous pseudonyme, le 25 juin à 15 heures 28, un collaborateur du forum ayant rappelé que j’avais protesté légitimement contre la falsification de manuscrits du folkloriste Luzel :
Cette querelle sur l’édition des manuscrits de Luzel m’est bien égale. Je suis reconnaissant à P Denez d’avoir consacré sa vie à la Bretagne et à la langue bretonne. Concernant F Morvan, je constate qu’elle est toquée, et qu’elle passe son temps à faire de la propagande contre la Bretagne et la langue bretonne. Cette émission de radio en est un bon exemple. Ce qui est anormal est que la radio d’état se serve d’elle pour nous attaquer. Normalement, la radio d’état devrait être au service du breton autant que du français. Dans les faits, non seulement, ils nous interdisent le droit de nous exprimer sur une station qui diffuse 24h sur 24 sur toute la Bretagne avec de l’argent public, et avec une qualité de réception parfaite, mais ils utilisent cet argent public pour nous attaquer de manière ignoble. France-culture est vraiment une radio où le suprématisme juif s’allie au suprématisme franco-parisien contre la Bretagne et l’Europe. Les deux connards d’animateurs de france-culture nous disent que l’existence de la Bretagne et de langues comme le breton posent un problème de nature constitutionnelle, car leur existence est contraire à la constitution française — c’est comme si on disait que la volonté de Hitler de faire disparaitre les Juifs était avant tout un problème juridique, car le fait que les Juifs puissent continuer exister n’était pas conforme aux principes du 3ème Reich allemand décrits dans Mein Kampf.
- De Thibault Guillemot, sous le pseudonyme de T. Gwilhmod, le 28 juin à 11 heures 58, un intervenant ayant souligné le « processus permanent de culpabilisation » des Bretons par les Français et se demandant si c’était un processus conscient ou inconscient :
C’est inconscient bien sûr, le résultat d’un lavage de cerveaux continuel depuis au moins 60 ans.
C’est aussi le résultat selon moi de la perversion de la foi une fois laiciscée après 1968 : « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». On s’interdit de réfléchir au nom de la permisivité, d’une pseudoliberté.
Dans quel but ? A mon avis, c’est clair que la juiverie internationale , pour éviter les pogroms, doit s’attacher à diviser pour règner sur les multitudes. Ainsi les juifs contrôlent l’économie, la FM[3] et l’Etat, c’est un fait établi pour quiconcque a encore un peu de lucidité. En diabolisant ceux qui essayeraient de casser ces monopoles, cette classe continue à règner.
Il y a un an Kannadig Imbourc’h avait publié le texte de Benjamin Freedman http://kannadig.chez-alice.fr/kannadigoukozh/50.html qui corroborre mon opinion[4]. Ce texte est pratiquement introuvable en français et donne une version tout à fais probante des tenants et aboutissants des deux grandes guerres mondiales : le problème juif est bien au centre de l’histoire contemporaine. Le nier c’est se cacher devant le petit doigt et vouloir que tout le monde fasse de meme. Je suis atterré quand je vois la semaine dernière un foin pas possible pour une rixe qui a mal tourné entre africains et un juif dans un quartier communautarisé de la capitale extracone, pendant que le meme jour, 300 loubars du 93 ont assailli 5000 lycéens du bacc au champs de Mars en les dépouillant en coupe règlée, et en violant une jeune fille. Srko n’a réagit que pour le meurtre de jeune juif, surtout parce qu’il a peur des loubards et qu’il est juif lui-meme et qu’il a besoin du soutien des juifs pour avoir une petite chance d’avoir quelque résultat pour sa présidence…
Ont été placés en gras les phrases qui ont fait l’objet de l’assignation. J’ai donné ces messages tels qu’ils ont été (et sont encore) diffusés.
Radio-France a décidé de poursuivre les anonymes pourfendeurs de juifs. La Ligue des Droits de l’Homme, alertée, a décidé de s’associer à la plainte.
Identifié par les services de police, Thibault Guillemot s’est hâté, non sans quelque hypocrisie, de publier sur son forum à l’intention de la LDH des « excuses pour propos jugés tendancieux » et a expliqué qu’il n’était pas antisémite du tout :
« « Juiverie » n’est pas dans le dictionnaire et peut être interprèté de diverses façons. Dans mon esprit c’était plus un synonyme de « mafia », d' »internationale capitaliste », où l’origine juive est fréquente,que du racisme antisémite… »[5]
Thibault Guillemot ayant annoncé (dans l’espoir, sans doute, d’amadouer d’éventuels juges) qu’il n’écrirait plus jamais rien sur ce forum, des membres du groupe de discussion se sont alors étonnés d’une intervention aussi peu motivée : en effet, depuis plus de dix ans, il tenait des propos bien plus graves. Ainsi, le 5 février, l’un des plus anciens contributeurs, Fabrice Tual, constatait :
Franchement, il y a eu pire que le post en question, y compris en juin 2008, sans parler des messages récents sur S. Veil.
LDDH ou LICRA ? Je suis pour ma part opposé à ce genre de développement judiciaire mais je dois reconnaître que ça permet des excuses sincères du premier coup alors que ça fait 10 ans qu’il est contré et averti, sans effet…
Lire qu’il se trouvait dans une demande sincère de dialogue alors qu’il ne s’agissait que d’asséner des obsessions impropres au débat et de censurer de sa messagerie ses contradicteurs diabolisés… hum…
De fait, le 8 mai 2008, Thibault Guillemot exposait la raison des attaques antisémites déchaînées à propos d’une émission qui n’avait pas le moindre rapport avec les juifs : je suis supposée puiser mon inspiration auprès d’André Markowicz, lequel, effectivement juif, a participé à des émissions sur France-culture. Donc, par contamination, en quelque sorte, le fait de m’avoir invitée est la preuve du pouvoir de la « juiverie » hostile aux « blancs » :
Françoise Morvan puise son inspiration auprès de l’idéologie jacobine
de 1789, mais sûrement aussi auprès de son copain André Markowicz.
Tous les deux ont travaillé avec radio-france-culture, où les Juifs
dominent de façon bien plus nette que sur d’autres radios. Or, cette
radio est bien plus hostile à la Bretagne et à tout ce qui est blanc
et européen que n’importe quelle autre radio.
Du même coup, à ses yeux, la démonstration est faite que le complot juif est un complot antibreton. Que j’aie protesté contre les hommages rendus à Roparz Hemon et autres grands hommes du mouvement breton en citant leurs textes antisémites relève de la « propagande anti-européenne », ou plus largement « anti-blancs » que mèneraient les Juifs dans le monde entier :
Dans les années 1950, je ne pense pas qu’on parlait du tout du
« génocide juif ». Si de nos jours, les médias nous saoulent constamment
avec ce sujet, je pense que c’est dû à la domination des Juifs dans
les médias, et à leur volonté de nous parler continuellement du
génocide juif. Parce que franchement, je ne me sens pas responsable du
génocide des Juifs, je ne connais personne qui se sent responsable du
génocide des Juifs, et je ne vois pas pourquoi on aurait envie d’en
parler continuellement. Les campagnes de l’extrême gauche contre
Roparz Hemon, contre Diwan, et contre des activistes de l’Emsav comme
Morvan Lebesque, Xavier Langlais, etc, s’inscrivent clairement dans
cette campagne de propagande anti-européenne qui nous assomme de
génocide juif du matin au soir. Il s’agit donc bien d’une alliance
entre les milieux juifs anti-européens et l’idéologie jacobine
française anti-bretonne, avec le renfort de certains teigneux et
simples d’esprit de l’ex-mouvement breton. Pourquoi viser la Bretagne?
D’un point de vue jacobin, parce que c’est un clou qui dépasse. D’un
point de vue juif, parce qu’ils nous considèrent comme un pays blanc,
un peu comme ils considèrent la Russie depuis la fin du communisme.
Bref, les Juifs sont contre la race blanche.
Il est à noter qu’aucun des militants bretons qui ont participé à ce forum (notamment un nommé Damien Perrotin, membre du bureau de l’UDB) n’a cru devoir cesser d’y collaborer en raison de la teneur de la propagande qui s’y faisait jour. Damien Perrotin, contributeur prolixe, constatant la teneur raciste des propos tenus à maintes reprises, s’est contenté de s’en prendre aux « républicains » coupables d’être « islamophobes » (message du 27 juin) et d’indiquer à Alfred, suite à un message agressif : « La seule raison pour laquelle je ne lui ai pas envoyé une citation à comparaître c’est que je n’y suis pas habilité » (sic). Et de continuer de débattre sur ce forum voué à la défense de la culture bretonne comme produit de la race blanche.
Belle illustration de l’idéologie des autonomistes dits de gauche, engagés dans un combat ethniste fondamentalement et irréductiblement antirépublicain.
Sans aborder le contexte dans lequel les citations incriminées ont été écrites, et sans rappeler les commentaires faisant suite à l’assignation, le président les lit aux accusés en leur demandant ce qu’ils en pensent.
À Michel Bellégo le premier de se prononcer sur ses affirmations :
France-culture est vraiment une radio où le suprématisme juif s’allie au suprématisme franco-parisien contre la Bretagne et l’Europe. Les deux connards d’animateurs de france-culture nous disent que l’existence de la Bretagne et de langues comme le breton posent un problème de nature constitutionnelle, car leur existence est contraire à la constitution française — c’est comme si on disait que la volonté de Hitler de faire disparaitre les Juifs était avant tout un problème juridique, car le fait que les Juifs puissent continuer à exister n’était pas conforme aux principes du 3ème Reich allemand décrits dans Mein Kampf.
« Sur le fond », déclare l’intéressé, « il n’y a rien à redire. Je voulais être un peu coloré mais je l’ai peut-être été un peu trop ».
Profil bas, mais certitude d’avoir raison.
À Thibault Guillemot de donner son sentiment sur ses écrits :
A mon avis, c’est clair que la juiverie internationale , pour éviter les pogroms, doit s’attacher à diviser pour règner sur les multitudes. Ainsi les juifs contrôlent l’économie, la FM et l’Etat, c’est un fait établi pour quiconcque a encore un peu de lucidité. En diabolisant ceux qui essayeraient de casser ces monopoles, cette classe continue à règner.
« Je trouve ces propos déplacés. J’avais lu le texte de Freedman et j’ai répété en simplifiant à outrance sa pensée. Mais je regrette, c’était déplacé. »
Profil bas, très bas, mais le texte de Freedman (qu’il se vante d’être le seul à avoir mis en ligne) reste donné pour référence, et il se garde bien de l’effacer.
*
Interrogés successivement par la présidente, l’un et l’autre garderont jusqu’au bout la même ligne de défense.
Michel Bellégo :
— Pourquoi je me suis mis à parler des Juifs ? C’est que Françoise Morvan parle toujours des Juifs de manière positive et des Bretons de manière négative.
— Mais il n’était pas question des Juifs dans cette émission… alors pourquoi parler du « suprématisme juif » de France-culture ?
— « Le suprématisme juif, ça veut dire qu’à France-culture on parle toujours des intérêts juifs. Les Juifs, eux, ils peuvent s’exprimer, mais nous, les Bretons, on n’est pas représentés. D’ailleurs, l’animateur, il a parlé de l’abbé Grégoire, alors c’est une allusion aux Juifs… Sur France-culture, on entend énormément parler des Juifs et d’Israël.
— Pensez-vous vraiment que France-culture appartienne à la communauté juive ?
— Ils invitent toujours des Bretons comme Françoise Morvan ou Jean Rohou qui ridiculisent la Bretagne, alors on peut dire qu’il y a bien un double traitement.
— Et qu’entendez-vous par « remplacement physique des Européens ? »
— Sur ce forum, je dis tout le temps que l’immigration tend à remplacer la population européenne. C’est un reproche que je fais aux média et surtout à la communauté politique juive qui s’exprime sur France-culture, d’être complice de cette…
— Invasion ?
— Non puisqu’on les fait venir.
— Et qu’entendez-vous par cette comparaison avec Hitler : « C’est comme si on disait que la volonté de Hitler de faire disparaître les Juifs était avant tout un problème juridique » ?
— C’est une allusion au génocide juif : on le compare au génocide culturel breton. La LDH et Françoise Morvan feraient bien mieux de s’occuper des droits de l’homme que de la place des langues régionales dans la Constitution.
— Quel but poursuiviez-vous en participant à ce forum ?
— Faire passer des idées, notamment sur la Bretagne.
— Peuvent-elles provoquer la haine et la violence ?
— Ça peut inciter à la critique. »
Bellégo est content de lui. Il a réussi à placer au premier plan le génocide breton dont il estime être victime.
La présidente se tourne vers Thibault Guillemot.
— Monsieur Guillemot, après avoir reçu votre assignation, vous avez publié des excuses. Qu’aviez-vous en tête quand vous dénonciez la « juiverie internationale » ?
— J’avais lu Freedman et je trouvais intéressante son analyse mais j’en ai donné un résumé trop violent. Je regrette.
— Mais « Sarko » comme vous dites n’était pas dans Freedman et vous écrivez qu’il est Juif et a besoin du soutien des Juifs…
— C’était une simple association d’idées. Bref, n’importe quoi de ma part. Je voulais me faire mousser par ce forum, c’est ridicule. J’ai agi pendant dix ans sur ce forum mais depuis six mois, c’est fini. Ce procès m’a aidé à me connaître un petit peu.
— Concevez-vous que d’autres personnes moins intellectuelles aient pu être incitées à la haine ?
— Ce n’était qu’une constatation, suite à la lecture de Freedman qui montre comment l’opinion américaine germanophile a été retournée. Il décrit le milieu juif international qui a tiré les ficelles entre les deux guerres.
— On lit dans vos excuses que « juiverie » désigne pour vous une « mafia », une « internationale capitaliste ». Pouvez-vous vous expliquer ?
— De ma part, c’était une recherche de vérité. Il y a bien un lobby juif comme il y a un lobby breton. Le lobby breton est utile puisqu’il donne de l’argent au mouvement breton et donc ce n’est pas négatif. Il y a des mafieux qui ont des activités légales et d’autres non, mais le mot « mafia » est déplacé.
— Connaissez-vous des Juifs ?
— Non, personnellement, je ne connais aucun Juif.
*
Maître Basile Ader, avocat de Radio-France et de la Ligue des Droits de l’Homme, interroge à son tour Michel Bellégo et Thibault Guillemot.
Reconnaissent-ils qu’ils ont tenu des propos antisémites ?
Non.
Lorsqu’il compare le « génocide des Juifs » au « génocide culturel du peuple breton », Bellégo est-il conscient de ce qu’il met en parallèle avec l’extermination de six millions de Juifs ?
— Moi, je parlais de France-culture, pas des six millions de Juifs, parce que leur point de vue, à France-culture, est celui des Juifs, répond Bellégo.
En quoi cette radio est-elle l’expression des Juifs ? On ne le saura pas mais le « suprématisme juif », la « propagande juive » vont si bien de soi pour Bellégo qu’il conclut que les Juifs, étant une minorité, feraient mieux de soutenir la minorité bretonne…
De même, Guillemot, évoquant la « juiverie internationale » n’entendait pas du tout, dit-il, s’en prendre aux Juifs mais à « un réseau qui peut être malfaisant ».
Bref, s’il se confond en plates excuses, qu’il ne manque pas de renouveler, c’est, il l’explique sur un ton béni-oui-oui, qu’il ne faut pas dire ce qu’on pense comme dans un salon quand on est face à un écran… Bien sûr, Freedman, auquel il se réfère toujours, avait raison mais…
L’un et l’autre restent absolument persuadés d’avoir dit la vérité. Ils se gardent bien de le dire mais il est clair que la conclusion se déduit de leurs propos : pourquoi sont-ils poursuivis sinon parce que le lobby juif est tout-puisssant ?
Maître Ader demande une peine symbolique d’un euro.
*
Le ministère public, constatant qu’il s’agit là d’écrits publics et que l’incitation à la haine raciale est évidente dans les écrits des deux prévenus, requiert deux mille euros d’amende dont la moitié avec sursis pour Michel Bellégo et la moitié pour Thibault Guillemot qui a écrit une lettre d’excuses et a pris du recul par rapport à ses écrits.
Le jugement devra être publié à leurs frais dans la presse régionale.
Les avocates se donnent beaucoup de mal pour défendre leurs clients.
— Il existe des tabous dans la société française, affirme l’une, et pourquoi ne pourrait-on pas parler de Hitler et des Juifs ?
Et puis, il faut rappeler le contexte : il s’agissait d’une émission contre les langues régionales (sic), l’animateur, Brice Couturier, a écrit des livres sur la question juive et est agressif à l’égard des Bretons (sic), Françoise Morvan a écrit de nombreux ouvrages contre les Bretons (sic), donc le parallèle entre la communauté juive et la communauté bretonne allait de soi.
De plus, France-culture est une radio élitiste, peu écoutée, et le forum de Guillemot est un tout petit forum de cinquante personnes. Donc, tout ça n’est pas grave.
Enfin, il faut bien l’avouer, « de fait, Radio-France, radio publique, donne plus de place aux Juifs qu’aux Bretons. On a raison de critiquer le fait que la communauté bretonne est sous-représentée ».
Encore un peu, on l’entendrait citer Freedman…
L’autre avocate, ayant repris les propos de son client en remplaçant « juif » par « chrétien » ou « breton » et « pogrom » par « crucifix » aboutit à la conclusion que « juiverie » est un terme tout à fait anodin et qu’on a tort de censurer son client : elle-même a d’ailleurs vécu rue de la Grande Juiverie et n’a jamais eu l’idée de faire supprimer le mot. Bref, il n’y a là pas une ombre d’incitation à la haine raciale, c’est juste une « opinion personnelle ». Du reste, Thibault Guillemot a écrit ces petites phrases par inadvertance car il était très fragilisé : depuis 2003, il est immuno-déficient et souffre de rages de dents. Justement, le jour où il a écrit ces petites phrases, il avait mal aux dents. Voilà ce qui explique ce petit écart qu’il regrette d’ailleurs vraiment beaucoup.
Enfin, Radio-France n’est pas fondée à déposer une plainte pour incitation à la haine raciale et doit être déboutée.
À aucun moment il n’a été rappelé que ces deux militants nationalistes bretons tenaient ce type de propos depuis dix ans et que leurs messages étaient parfois d’une violence et d’une grossièreté insupportables.
Nulle lecture n’a été donnée des autres messages du même fil de discussion.
Ainsi pourtant, Thibault Guillemot, le 28 juin, le même jour donc, en dépit ou à cause de sa rage de dents, écrivait-il à 11 heures 29 :
« Dire que je deviens raciste (N’avoue jamais!) serait sans doute exagéré,
Et ça l’est même certainement car le racisme c’est comme certains phantasmes sexuels: …tant qu’ils ne sont pas appliqués, ils ne sont pas répréhensibles.
[…]
Dans la foi chrétienne, l’intentionest pécamineuse. J’explique.
– si vous avez un phantasme sexuel : c’est pécamineux . Ce n’est pas un péché tant que « l’image » de ce phantasme vous vient sans que vous le vouliez. A ce stade il faut recherche des moyens de limiter l’assaut de ces phantasmes (hygiène de vie : moins de films ou de livres qui nouriraient cette tendance ; entreprendre des activités qui éloigneront l’esprit de ce penchant vicieux ou pecamineux).
– si ce phantasme sexuel arrive sans crier gare et que vous ne le rejetez pas par un acte de volonté comme dans le premier cas, alors il y a péché. Péché mortel même. […]
J’en viens à votre propos : vous dites, si je comprends bien, que tant que l’on ne dis pas que l’on est raciste, il n’y a rien de répréhensible. Hé bien pour le chrétien, si il y a intention, c’est répréhensible, c’est un péché. S’il n’y a qu’un sentiment racsiste, sans intention, ce n’est pas répréhensible, simplement pécamineux, et il importe d’agir de manière à ce que ce sentiment ressurgisse le moins possible. Ainsi, il faut à mon sens diminuer, par charité chrétienne et le bien commun à tous les hommes de la société, les facteurs qui amènent ces situations pécamineuses :
– trop d’imigration, parcages dans les cités, regroupement familiaux abusifs, …
– pornographie ;
– immodestie féminine (je sais que je fais rire : c’est mon avis. il n’est pas question d’imposer la burka ni le voile, ni m^me quoi que ce soit, à la seule condition que l’on éduque convenablement les filles sur les effets de la nudité féminine sur la libido des garçons. A mon avis les musulmans sont très sensibles à cette question et à raison, mais c’est les solutions apportées qui ne vont pas. Autrefois en Bretagne, les femmes étaient belles mais pas dénudées. Je dirai meme que les laiderons étaient belles grace aux artifices de leurs vêtements et parures.
– violence (télé) ;
– société cosumériste : elle n’est pas une fatalité et me semble encore plus néfaste pour la religion catholique (et donc pour la liberté tout court) que la société laiciste.
En résumé donc, s’il y a des rasciste, c’est en très grande partie parce qu’il y a des facteurs qui y portent. Supprimez les facteurs et la société est protégée. »
Il suffit donc de supprimer les Juifs pour supprimer le racisme. CQFD.
À 16 heures 18, le même jour, Thibault Guillemot, insultant l’un des contributeurs qui comparait le texte de Freedman avec le Protocole des sages de Sion, falsification antisémite bien connue, écrivait :
Je ne connais pas ce protocole de Sion : par contre Freedman, ca c’est un document historique irréfutable. Ratanplan, vous ne cherchez pas la vérité, c’est pas bien cela. Allez, coucouche panier, prenez vos médicaments et cet os à ronger, Herr Elem.
Le pamphlet antisionniste de Freedman mis en ligne par Thibault Guillemot est toujours consultable. Jusqu’au dernier moment ce dernier a expliqué que la vérité sur les Juifs était là. Il n’avait eu que le tort d’en donner une synthèse mal formulée.
L’avocate de Thibault Guillemot demande à ce que son éventuelle condamnation ne soit pas reportée sur casier judiciaire car il est professeur et cela nuirait à sa carrière d’enseignant.
Délibéré au 3 septembre.
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3 septembre 2009
Thibault Guillemot et Michel Bellégo sont condamnés chacun à 1 500 euros d’amende dont la moitié avec sursis.
La Ligue des Droits de l’Homme reçoit l’euro qu’elle a demandé. Radio-France est déboutée de sa demande. Il n’est pas précisé que le jugement doit être publié dans la presse aux frais des condamnés.
Le journal Ouest-France qui rend compte de l’affaire occulte soigneusement la qualité de militants bretons des deux hommes, tenus dans un prudent anonymat, cependant que le forum breton est présenté comme celui de la « radio publique », forum guère fréquenté néanmoins (à en croire le chroniqueur judiciaire, lui-même anonyme) puisque les propos antisémites n’auraient été lus que par une cinquantaire d’internautes…
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Thibault Guillemot va pouvoir continuer d’enseigner l’instruction civique.
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© Françoise Morvan
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Après avoir fermé son forum, T. Guillemot l’a remis en ligne. On peut donc toujours y lire les propos condamnés, ainsi que divers spécimens de prose nationaliste bretonne donnant idée de l’instrumentalisation du breton par le lobby d’extrême droite qui appelle à l’indépendance de la Bretagne.
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Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur les activités militantes de T. Guillemot, on pourra se référer à Imbourc’h et à Emglev An Tiegezhioù. Les informations données sur Wikipédia à ce propos sont à décrypter, comme tout ce qui concerne la Bretagne, puisqu’elles émanent des militants, mais elles permettent de mieux comprendre comment les mouvement breton issu de la collaboration a pu se reconstituer et essaimer.
Emglev An Tiegezhioù est une association fondée par Alain Louarn, dit Alan Al Louarn, et Jean Delalande, dit Kerlann, à Yerres où s’était rassemblée une communauté bretonne à partir d’un noyau de militants nationalistes interdits de séjour à la suite de leur condamnation par les tribunaux à la Libération.
On trouve à la tête de l’association en 1970 Joseph, dit Job, Morvan, membre du Bezen Perrot… On y retrouve aussi Yves Olivier, dit Youenn Olier, beau-frère d’Alain Louarn.
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Comme l’écrit T. Guillemot…
Les publications de Youenn Olier étaient subventionnées par l’Institut culturel de Bretagne.
Il serait intéressant de faire un relevé des textes publiés sous le sigle d’EAT (Emglev An Tiegezhioù).
[1] Voir à ce propos sur le site nationaliste ABP un article de propagande par lui rédigé : http://abp.bzh/769
Et voir un article de contre-propagande identitaire : http://www.ainfos.ca/04/feb/ainfos00474.html
[2] Les citations sont données telles qu’elles ont été publiées et telles qu’on peut encore les trouver sur Internet.
[3] FM : franc-maçonnerie.
[4] Le pamphlet antisioniste de Benjamin Freedman, « The Hidden Tyrany » traduit en breton et mis en ligne par Thibault Guillemot est aussi lisible en anglais : http://www.rense.com/general34/amaz.htm
Freedman explique l’entrée en guerre des Etats-Unis par la puissance d’un complot sioniste tramé contre l’Allemagne. Il dénonce la puissance redoutable d’un lobby juif et va, donnant ainsi un fondement aux discours hitlériens, jusqu’à accuser les Juifs d’avoir déclaré la guerre à l’Allemagne (notamment à partir de1933).
[5]http://groups.google.fr/group/soc.culture.breton/browse_thread/thread/bb60e446bc4ee8e6/a845a315a72f7282?hl=fr&lnk=gst&q=juifs#