Monjarret à Guingamp : la presse censure l’opposition des élus

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Ce nouvel épisode de l’affaire Monjarret est particulièrement intéressant pour montrer, d’une part, la manière dont les autonomistes parviennent à imposer une version falsifiée des faits en provoquant des clivages politiques eux-mêmes révélateurs et, d’autre part, la censure exercée par la presse régionale sur tout ce qui concerne le nationalisme breton.

En bref : le 8 juillet 2014, le  conseil municipal de Guingamp revient sur la décision de donner le nom de Polig Monjarret à une rue de cette ville. Cinq élus partisans de Monjarret quittent la salle : ils s’en expliquent dans la presse qui se mobilise pour relayer leur indignation et l’apologie de Monjarret, indemne, selon eux, de toute collaboration avec les nazis. Leur argumentation s’appuie sur un motif principal, à savoir le fait que la protestation contre la réhabilitation de Monjarret émane d’un « groupuscule parisien » — lequel « cherche à calomnier les militants culturels bretons dont le seul “tort” est d’avoir œuvré pendant la Seconde Guerre mondiale pour la sauvegarde de notre identité bretonne. » (Y. Kerlogot, in L’Écho de l’Armor et de l’Argoat, 22 juillet 2014).

Le mensonge est donc entretenu sciemment

— sur les associations signataires dont la liste a de longue date été rendue publique : ont protesté contre l’attribution du nom de Monjarret à des lieux publics une douzaine d’associations dont l’Association des Déportés et Internés Résistants et Patriotes 35, l’Association nationale des anciens Combattants de la Résistance 22-35, l’Association républicaine des anciens Combattants et Victimes de Guerre 29, les Délégués départementaux de l’Éducation nationale 22-29-35, la Ligue des Droits de l’Homme section de Rennes, la Libre Pensée 22-29-35-56, Mouvement de la paix 56). Les responsables de l’ANACR et de la LP qui sont allés en personne présenter le dossier Monjarret au maire de Guingamp n’émanaient pas d’un prétendu « groupuscule parisien » mais des Côtes d’Armor et relayaient l’histoire de la Résistance en Bretagne bafouée par les autonomistes et leurs alliés.

— sur le parcours de Monjarret, authentique fasciste ainsi totalement blanchi puisque l’élu « de gauche » va jusqu’à évoquer ses torts en les plaçant entre guillemets…

Un exemple de plus de censure puisque les raisons du vote des élus guingampais contre l’attribution du nom de Monjarret (15 contre, 11 pour, 2 abstentions) n’ont trouvé aucun relais dans les médias, la décision étant attribuée au simple fait de ne pas vouloir provoquer d’émotion en attribuant un nom qui ne fasse pas consensus…

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 Monjarret à Guingamp :

le déroulé des faits

 

 

À Guingamp, comme en bien d’autres villes de Bretagne, les autonomistes de l’UDB amènent des municipalités mal informées à donner un nom de militant breton collaborateur des nazis et un nom de résistant à des rues d’un même quartier. C’est ce qui s’est passé à Rennes où la rue Youenn Drezen et nombre de ses comparses figure près de rues portant des noms de résistants, à la grande indignation de bien des habitants.

Dans le Morbihan, à Plescop, ces mêmes autonomistes alliés à la municipalité Europe-Écologie, avaient décidé de donner le nom de Monjarret au collège en construction. Il avait fallu tout un travail d’information et les protestations d’une douzaine d’associations (ANACR, ARAC, LP, LDH Rennes, etc) pour convaincre le conseil général de ne pas donner suite à une telle proposition.

On trouvera ici la note de synthèse qui avait été distribuée à cette occasion par plusieurs associations dont le Groupe Information Bretagne.

MONJARRET PROTESTATION

Les militants bretons se basent sur une histoire entièrement réécrite de l’itinéraire de Paul Monjarret qui aurait été (d’après la légende orchestrée par lui-même et son beau-frère, Le Voyer) arrêté par la Gestapo pour avoir été réfractaire au STO : loin d’être réfractaire au STO, il avait été dispensé de STO sur intervention du PNB nazi auprès des Allemands et l’opportune « arrestation » à la veille de la Libération avait permis aux deux beaux-frères, fanatiques militants nationalistes bretons l’un et l’autre, de partir avec leurs épouses faire un petit séjour familial en Autriche.

C’est grâce à l’intervention de l’ANACR et de la LP (et grâce aux informations objectives fournies par le GRIB) que Guingamp, ville où Monjarret exerçait ses talents militants sous l’Occupation en compagnie des frères Guiomar, sous  l’uniforme SS du Bezen Perrot, ne connaîtra pas la honte d’un hommage rendu à un tel personnage.

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AFFAIRE MONJARRET :

UNE BRÈCHE DANS L’OMERTA

 

 

GUINGAMP

Gourland. Vent de fronde contre la rue Montjarret

 

Au nom de la Libre pensée Bretagne et de l’Anacr, Yvon Bourhis, François Le Pivert et Thomas Hillion ont rencontré le maire pour exposer leurs arguments..

Suspicieux sur le rôle que l’homme a joué sous l’Occupation, des représentants de la Libre pensée et l’Anacr ont rencontré le maire, hier, pour qu’il renonce à donner le nom de Polig Montjarret à une rue de Gourland.

« Le nom des rues n’est pas innocent. Ce sont aussi des exemples pour la jeunesse. » Président du groupe costarmoricain de la Fédération nationale de la Libre pensée, Yvon Bourhis était à Guingamp, hier. Accompagné de François Le Pivert, représentant du groupe briochin et de Thomas Hillion, ancien résistant et président départemental de l’Anacr (Association des anciens combattants de la Résistance), le militant a rencontré Philippe Le Goff pour exposer son opposition à la création d’une rue nommée Polig Montjarret, dans le nouveau quartier de Gourland. Né en 1920 à Pabu et décédé en 2003 à Ploemeur (56), Polig Montjarret a fait ses études au collège Notre-Dame de Guingamp. Fils d’un père menuisier, il a été promu à l’école de formation des cadres, au secrétariat de la Jeunesse et sport, institution pétainiste que les autonomistes entendaient contrôler. Joueur de biniou, l’homme est connu pour avoir été le fondateur du Bodadeg ar Sonerien (BAS) et un ardent défenseur de la musique et de la culture bretonne. « Mais jamais nulle part, il n’est rappelé que le musicien supposé défendre la musique populaire recrutait des lecteurs pour « L’heure bretonne », journal pro Nazis en 1943. Jamais il n’est dit non plus que le fondateur du BAS dirigeait les groupes de combat du Parti national breton nazi sous l’Occupation !», exposent les représentants de la Libre pensée et de l’Anacr.

« Face occultée de l’histoire »

Dénonçant « la face occultée de l’histoire du personnage à l’heure de l’Occupation », ces derniers ont remis au maire un livret documenté sur « le cas Paul Montjarret ». « Il nous a dit qu’il allait lire consciencieusement la brochure et réfléchir au problème avant d’inscrire une discussion sur le sujet à l’ordre du jour du conseil municipal », rapporte Yvon Bourhis, qui estime avoir trouvé une oreille attentive. Auprès d’Annie Le Houérou, les militants ont déjà mené une levée de boucliers sur la question, fin 2013. « Quand je l’ai vue au congrès de l’Anacr, elle m’a assuré qu’il n’y aurait pas de rue Montjarret à Guingamp tant qu’elle serait maire », se réjouissait d’avance Thomas Hillion. Mais depuis, la députée a quitté son fauteuil de maire et le combat du Plouagatais de naissance n’a pas porté ses fruits. Une lutte nécessaire pour l’ancien résistant qui dit avoir lui-même côtoyé Polig Montjarret, au temps de la Gestapo. « Quand j’ai refusé de lire « L’heure bretonne », il m’a dit qu’il était de la Milice et qu’il me retrouverait. Si je suis encore en vie aujourd’hui, ce n’est pas grâce à lui ! », témoigne le président de l’Anacr. « Nous n’avons rien contre la langue, la culture ou l’histoire bretonne, à condition qu’on dise la vérité », résume enfin Yvon Bourhis, bien déterminé à mener à son terme le devoir de mémoire.

Le Télégramme, 21 mai 2014

21 mai 2014

/ Jennifer Pinel /

Voir sur ce site

 

COMMUNIQUÉ

Rue Monjarret. Alain Junter demande un réexamen par le conseil municipal

22 mai 2014


Ayant pris connaissance de la polémique naissante autour de la dénomination d’une des rues du nouveau quartier de Gourland au nom de Polig Monjarret (Le Télégramme d’hier), l’ancien élu municipal Alain Junter a adressé une lettre au maire, hier. Il enjoint les élus à se prononcer une nouvelle fois sur cette décision du conseil municipal datée du 16 décembre 2013. « Mon vote a été effectué sur les seules informations qui ont été portées à ma connaissance lors des délibérations (…) concernant la personne de Polig Monjarret, si ses qualités de militant et ardent défenseur de la musique et de la culture bretonne avaient été soulignées, il n’y avait pas été fait référence à son passé obscur durant l’occupation », indique l’ancien élu, devenu président de l’Office des sports, dans sa lettre à Philippe Le Goff. Et de conclure : « Je refuse que ma voix porte caution au nom de Polig Monjarret, pour l’une des rues de ce nouveau quartier et je demande que le conseil municipal nouvellement élu, réexamine la dénomination de cette voie et lui attribue le nom d’une personne au passé moins obscur, et plus glorieux ».

On pourrait lui suggérer de donner à cette rue le nom de Marguerite Philippe, la plus grande chanteuse et conteuse du Trégor, et l’expression authentique de la culture populaire bretonne, telle que trahie par Monjarret au nom de la celtomanie et de ses idéaux racistes.

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COMMENT ON RÉÉCRIT L’HISTOIRE

À la suite de la protestation d’une douzaine d’associations contre l’attribution du nom de Paul (dit Polig) Monjarret à un collège et des rues de Bretagne, un professeur d’histoire a adressé un communiqué au journal Le Télégramme pour nier les faits au nom… de la « réunification » et du régionalisme — ce qui montre bien que les enjeux ne sont pas historiques (car les informations sur Monjarret sont depuis longtemps disponibles en ligne) mais politiques.

Son communiqué est parfaitement représentatif de la réécriture de l’histoire désormais constante en Bretagne. Sont placées en gras les affirmations particulièrement inexactes. 

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Polémique. Qui était Polig Monjarret ?

26 mai 2014


Dans un communiqué, Isabelle Chottard, professeur d’histoire et élue guingampaise, revient sur « la polémique actuelle concernant Polig Monjarret » (lire Le Télégramme du 21 mai). Elle a participé « au choix de donner le nom d’une rue à Guingamp au grand militant de la culture bretonne Polig Monjarret ». Cette rue doit se situer dans le nouveau quartier de Gourland. Pour elle, cette polémique « est très liée au contexte actuel. Nous sommes en pleine discussion sur la réforme territoriale et la réunification de la Bretagne va peut-être se faire. Cela déclenche un combat d’autant plus acharné de ceux qui sont contre la réunification et toute forme de régionalisme », analyse-t-elle.

« Inquiété par la Gestapo » 

Elle dénonce leur stratégie pour « dénigrer et calomnier tout membre du mouvement culturel ou politique breton pour associer au régionalisme les pires horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, c’est Polig Monjarret qui est la cible. Les faits concernant Polig Monjarret plaident pour lui car non seulement il n’a pas collaboré mais il a été poursuivi par la Gestapo, arrêté et envoyé en Allemagne », poursuit-elle en évoquant les « éléments de sa biographie recueillis dans les travaux d’historiens qui ont eu accès aux Archives ». Pour Isabelle Chottard, le rôle de Polig Monjarret pendant la guerre ne peut lui être reproché : « Polig Monjarret est un des dirigeants du mouvement scout en France. Il est cadre des Éclaireurs de France dans les années 1930. En 1941, il quitte ce mouvement car Vichy lui donne une orientation très collaborationniste qu’il n’accepte pas. Il revient à Guingamp et tente d’organiser un mouvement scout breton sans autorisation allemande. Il est alors inquiété par la Gestapo. Il fait alors appel à une de ses anciennes relations membre du Parti National Breton (PB, proche des Allemands) pour être protégé d’une arrestation. En échange de la protection, il doit adhérer au PNB et vendre leur (sic) journal L’Heure Bretonne, ce qu’il fait de novembre 1942 à août 1943 où il démissionne car les événements qu’il a vécus en août à Landivisiau le choquent (…). Il démissionne et perd donc la protection du PNB. Le 4 juin 1944, lors d’une représentation au théâtre de Vannes il prend la parole et tient des propos anti-Vichy et anti-Allemands ».

« Jugé non coupable » 

« Recherché par la Gestapo, il se cache chez sa belle-mère à Saint-Brieuc. Il est retrouvé par la Gestapo, arrêté et envoyé en Allemagne. À la Libération, il revient en France où il apprend qu’il est recherché par la police…française. Il se rend spontanément à la gendarmerie. Il est arrêté comme toutes les personnes qui ont appartenu au PNB. L’instruction dure trois mois. Il est traduit devant la Chambre civique pour être jugé en octobre 1945. Le dossier est vide et de nombreuses personnes témoignent en sa faveur notamment le chef de la résistance de Guingamp. Polig Monjarret est jugé non coupable des faits qui lui sont reprochés ». Pour Isabelle Chottard, Polig Monjarret mérite bien sa rue à Guingamp. « Je ne reviendrai pas sur l’ampleur de l’engagement de Polig Monjarret et sur ce qu’il a fait pour la culture et la musique bretonnes. Ce sont des faits connus », conclut-elle.

Ce communiqué est intéressant car il montre comment la légende orchestrée par Monjarret et légitimée par les autonomistes est devenue objet de foi. Tous les faits sont travestis de manière à légitimer les actions d’un militant nationaliste naturellement collaborateur des nazis. 

Les réponses à ces allégations se trouvent en ligne : ce professeur d’histoire qui avoue n’avoir jamais consulté le dossier Monjarret aux archives départementales (et va jusqu’à écrire qu’il est vide !) est donc certain que ce bon petit scout a été arrêté par la Gestapo…

Rappelons en bref quelques faits : 

— Monjarret n’était pas un inoffensif petit scout mais, dès 1940, un cadre d’une organisation pétainiste visant à former les cadres de la jeunesse fasciste.

— S’il a quitté cette organisation, ça n’était pas du tout parce qu’il blâmait ce que ce professeur appelle son « orientation collaborationniste » mais, bien au contraire, parce qu’il la trouvait insuffisamment nazie. 

— Voir à ce sujet son article du 2 mai 1943 dans L’Heure bretonne où il écrit que les organisations de jeunesse françaises sont  indignes des « jeunesses organisées, donc fortes, de pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Finlande. »

— Il n’a pas fait que distribuer le journal pronazi L’Heure bretonne : il y a écrit.

— Il avait fondé BAS (Bodadeg ar sonerion, l’Assemblée des sonneurs), clique du PNB.

— Il  a été l’un des chefs des Bagadou Stourm (ou Groupes de combat, plus tard rebaptisés Strolladou Stourm pour « faire SS », d’après Yann Goulet, leur chef, condamné à mort à la Libération).

— Il est faux qu’il ait quitté le PNB en août 43 : en novembre 1943 encore, il se bat en tête des Bagadoù Stourm à Saint-Brieuc. Grâce au PNB, les Allemands lui avaient permis de  se soustraire au STO pour continuer ses actions de propagande autonomiste. 

— Le pseudo discours résistant de Vannes qui aurait été à l’origine d’une pseudo arrestation par la Gestapo est évidemment une fable : Monjarret est parti en Autriche avec son beau-frère et leurs épouses, qui ont obtenu des autorités allemandes les papiers nécessaires pour pouvoir les suivre.

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Le 31 mai, la version autonomiste des faits est publiée par la famille Monjarret.

Précisons que si Monjarret s’est présenté à la gendarmerie à son retour d’Allemagne, c’est qu’il avait adopté la stratégie la plus immédiatement rentable : se faire passer pour déporté et minimiser ses responsabilités avec l’appui des résistants de droite, farouchement anticommunistes comme le douteux Georges Le Cun (lequel a notamment déposé en faveur du lieutenant Flambard, cause de la déportation — authentique, elle — de nombreux maquisards).

Quant au fait que l’historien autonomiste Kristian Hamon ait trouvé le dossier Monjarret dénué d’intérêt, rien d’étonnant puisqu’il a été chargé de blanchir ce militant, ce qu’il a fait en passant sous silence tout ce qui, dans le dossier, permettait de rétablir les faits.

Un document parmi tant d’autres :

 
 
Ministère de l’Intérieur V                                                                       République Française
Direction générale                                                                                  St Brieuc le 15 février 1945
De la                                                                                                     
Sûreté Nationale                                                            L’inspecteur de la Sûreté Nationale
                                                                                           MACE Emile
                                                                                           A Monsieur le Commissaire de police
                                                                                          Chef du Service des R. G. St Brieuc
Objet A/S des autonomistes bretons Montjarret et Le Voyer
 
J’ai l’honneur de vous rendre compte des renseignements que j’ai recueillis auprès d’informateurs sûrs concernant deux membres du P.N.B. : Monjarret Paul originaire de Guingamp et Le Voyer Dorrick de Paris.
Ces deux individus, militants autonomistes très actifs durant toute l’occupation participent en particulier le premier à des Congrès, camps divers, etc. Ils avaient fondé une école folklorique bretonne. Ils chantèrent et jouèrent du biniou en 1943 à la radio de Rennes, durant l’heure consacrée à cette époque aux « régionalistes ».
Un mois environ avant la libération, ils épousèrent deux des six filles filles de Madame Le Foll sympathisante autonomiste demeurant rue Brizeux à St Brieuc (cette personne est la mère de la fiancée du « SS Breiz Atao » PERRIN Paul que j’avais arrêté en décembre 1944 et qui s’est évadé le 20 janvier 1945, du poste de police de St Brieuc)
Le 12 juillet 1944, trois semaines donc avant la libération, la gestapo arrête au domicile de Madame Le Foll, MONTJARRET et LE VOYER. Le lendemain matin à 5h1/2 ils étaient envoyés à RENNES, d’où ils furent dirigés sur l’Allemagne.
Immédiatement après, les jeunes épouses des deux membres du P.N.B. disparurent. D’après des renseignements que j’ai recueillis, elles ont rejoint spontanément leurs maris en Allemagne, où tous vivent actuellement.
Dans les milieux autonomistes on estime que l’arrestation de Le Voyer et de Montjarret est une mise en scène destinée à camoufler aux yeux du public la fuite de ces deux individus.
En effet, ils étaient en très bonnes relations avec les autorités allemandes. Ils avaient d’après certains renseignements, des permis de circuler pour motocyclettes, difficiles alors à obtenir.
En outre, le fait que leurs femmes aient été autorisées à les suivre en Allemagne et à vivre avec eux est assez cinique.
L’opinion publique considère généralement que MONTJARRET et LE VOYER étaient des indicateurs des allemands. Je n’ai recueilli aucun renseignement appuyant de telles accusations.
J’ai interrogé Madame LE FOLL. Elle reconnaît être régionaliste et « bretonne ». Mais elle nie avoir été affiliée au PNB.
Elle déclare avoir reçu par la Croix Rouge récemment une lettre de sa fille sinée (sic) ; Mme Montjarret signalant qu’elle était en Allemagne avec son mari, tous deux en bonne santé.
Madame LE FOLL affirme que ses gendres et même que PERRIN, n’eurent aucune activité anti-française sous l’occupation. Elle reconnaît n’être pas au courant de toute l’activité de ces jeunes gens mais les déclare incapables de mauvaises actions. Si l’on considère le dossier PERRIN on peut estimer fausse l’appréciation fatalement partiale de Mme LE FOLL.
Quoi qu’il en soit, il conviendra, le jour de la libération des déportés français en Allemagne, d’examiner le cas de MONTJARRET et de LE VOYER.
                                                                                              L’inspecteur de la Sûreté Nationale
Vu et transmis à Monsieur le Prefet des Côtes du Nors (sic) St Brieuc
                                                                                              Saint Brieuc le 15 février 1945
                                                                                              Le Commissaire de Police
                                                                                              Chef de service

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Paul Perrin, beau-frère de Paul Monjarret et d’Isidore Le Voyer, était membre du Bezen Perrot et combattait sous uniforme SS aux côtés du SD, assurant tortures et exécutions de résistants.

L’historien Sébastien Carney, qui ne peut être soupçonné de sévérité à l’égard des nationalistes bretons, établit dans son essai Breiz Atao !  (p. 531) que « Polig Monjarret vécut deux mois avec l’Unité, après avoir arrangé son arrestation avec le SD de Saint-Brieuc pour échapper à la Résistance. » L’Unité désigne, bien sûr, le Bezen Perrot en fuite en Allemagne devant l’avance des alliés.

Monjarret raconte dans une lettre à Olier Mordrel le dernier discours de Célestin Lainé promu lieutenant  dans la Waffen SS et se félicitant des glorieuses actions du Bezen. Cette lettre, mentionnée par Sébastien Carney, date du 13 juillet 1955. La réalité de la prétendue « déportation » de Monjarret était donc connue de longue date des militants bretons.

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 Après avoir été informé de la réalité des faits à l’initiative d’un élu courageux, en dépit des manœuvres des autonomistes pour manipuler l’opinion, la municipalité de Plescop et le conseil général ont fini par attribuer au nouveau collège le nom d’Anne Frank.

Il serait d’autant plus scandaleux d’attribuer à une rue de Guingamp le nom de Polig Monjarret que c’est dans cette ville qu’est décédé en 1995 Joseph (« Hervé ») Monjaret, le radio de Jean Moulin, une pure figure de la Résistance.